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La riposte normative européenne à la domination technologique américaine dans le domaine numérique

Les Débats du Cercle, organisés par le Cercle Montesquieu avec Le Monde du Droit, ont eu lieu mercredi 8 septembre à Paris. Lors de cet événement phare dédié aux directions juridiques des entreprises, une conférence plénière est revenue sur le thème de la riposte normative européenne face à la domination technologique américaine dans le domaine numérique.

Sur ce sujet, une préoccupation majeure est celle de la protection des données. Comment appréhender la question de la data massivement transférée d’Europe vers les Etats-Unis, via les géants du digital, notamment après l’invalidation en 2020 du Privacy Shield par la Cour de justice de l’Union européenne ?

Un contexte à haute tension

Selon Béatrice Delmas-Linel, Partner France Osborne Clarke, le sujet de la protection des données au niveau international est susceptible de mettre les entreprises européennes « dans une situation absolument impossible à régler » : ce sera le cas par exemple d’une organisation installée outre-Atlantique qui, ce faisant, pourra faire l’objet de réquisitions de la part des pouvoirs américains, réquisitions susceptibles alors de la mettre en porte-à-faux vis-à-vis du RGPD, puisque les règles ne sont pas du tout les mêmes…

Le Directeur juridique du groupe Orange Cédric Testut abonde dans ce sens. « La donnée est partout et il est heureux que les dispositifs normatifs s’y intéressent » déclare-t-il avant de nuancer : « La riposte normative, oui, mais ce que les entreprises demandent, c’est surtout de la sécurité juridique. » Il est certain que l’invalidation du Privacy Shield, actuellement en renégociation, n’a pas aidé de ce point de vue. « Notre réalité au quotidien, c’est une grande fragilité juridique et l’on espère que ce qui se négocie en ce moment va permettre de nous rassurer » lance encore Cédric Testut.

« La norme a un rôle mais ne saurait suffire »

Bruno Gencarelli, qui dirige l’unité Protection et flux de données internationaux à la Commission européenne, est venu préciser l’approche de Bruxelles sur ces questions. Celle-ci est structurée autour de trois axes. Tout d’abord, établir une concurrence loyale, c’est-à-dire œuvrer pour que les règles soient les mêmes pour tous. « C’est le fil rouge qui traverse l’ensemble des réformes législatives, notamment celles concernant l’économie numérique » explique Bruno Gencarelli. Ensuite, l’autonomie réglementaire. Il s’agit alors d’être « rule maker » sur la scène internationale. Enfin, et l’on quitte alors la sphère strictement juridique, l’investissement massif dans les entreprises européennes.

Par où l’on voit que le droit joue un rôle mais ne saurait suffire face à la puissance des Gafam. En effet, le sujet est aussi profondément politique, comme le rappelle Béatrice Delmas-Linel. Et il est également industriel, estime Florence G'sell, Professeure de droit privé à l’université de Lorraine. « Si nous n’adoptons pas nos propres principes, d’autres nous imposeront les leurs » souligne cette dernière, avant de préciser : « Mais derrière ce problème, se trouve la question industrielle, c’est-à-dire l’impératif d’avoir des entreprises européennes suffisamment compétitives. »

L’objectif est alors d’amener les géants du numérique à adopter des pratiques non seulement vertueuses mais aussi à même de créer des conditions acceptables de concurrence.

Hugues Robert (@HuguesRob)

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