Eric Dupond-Moretti dévoile son plan d’action pour la justice

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À l’occasion de la conférence de presse du jeudi 5 janvier 2023, le ministre de la Justice a présenté son plan d’action issu des États Généraux de la Justice.
Parmi les mesures  : budget de la justice porté à 11 milliards d'euros en 2027, simplification des délais et des procédures en matière civile, réécriture du code de procédure pénale, plan de transformation numérique. L'ambition de ce plan est de faire en sorte que la justice soit plus rapide, plus efficace, plus protectrice, plus proche des citoyens.

« Bien sûr ce n’est pas la première réforme, mais c’est sans doute la première fois qu’une réforme de la justice s’accompagne de moyens à la hauteur des enjeux » a affirmé Eric-Dupond Moretti en introduction de la conférence de presse.

Des moyens humains et financiers

Le ministre a annoncé que le budget de la justice serait porté de  9,6 à 11 milliards en 2027. Il a rappelé que ce budget est déjà passé de 7,6 milliards d'euros en 2020 à 9,6 milliards d'euros en 2023. Depuis 3 ans, le budget a augmenté de 8% chaque année, ce qui fait au total une augmentation de 26 %. L'augmentation du budget sur les cinq dernières années est de 44 %. 
Ainsi, à l’issue des deux quinquennats, le budget de la justice aura connu une hausse de près de 60 %.

Ces moyens permettront notamment de revaloriser les agents du ministère, de poursuivre et finaliser le plan 15.000 places de prison, de moderniser et agrandir les palais de justice en cohérence notamment avec l’exigence de transition écologique, de numériser la justice et de recruter pour renforcer les effectifs. 

S’agissant des renforts humains, la loi de programmation et d'orientation entérinera le recrutement de 10.000 emplois supplémentaires d’ici 2027, dont 1.500 magistrats et 1.500 greffiers, outre la constitution d’équipes autour des magistrats. 

Amélioration de la qualité de vie au travail

Un outil d’évaluation de la charge de travail doit être mis en  place rapidement. « Il va pouvoir faire l’objet d’une expérimentation dans quelques juridictions pour objectiver plus finement les besoins. Je sais déjà qu’il traduira des besoins importants en effectifs, que nous comblerons non seulement par les recrutements en magistrats que j’ai annoncés, mais aussi par ceux des assistants du magistrat ».
Eric Dupond-Moretti souhaite aussi un « accord-cadre sur la qualité de vie au travail », négocié entre directions du ministère et syndicats.

Améliorer la justice civile

60 % des décisions rendues par les tribunaux sont des décisions civiles. Pour améliorer la justice civile, Éric Dupond-Moretti a d'abord annoncé le lancement d'une véritable politique de l’amiable. Le lancement officiel aura lieu le 13 janvier prochain, à l’occasion d’un évènement qui réunira tous les acteurs dans ce domaine.
« Il s’agit d’un véritable changement de logiciel pour la justice civile qui consiste à favoriser une justice participative donc plus rapide, donc plus proche : parce que le justiciable qui a participé à la décision qui le concerne aura le sentiment d’avoir été mieux entendu, et mieux jugé » a expliqué le ministre.
Outre la conciliation et la médiation, le ministre souhaite mettre en place de nouveaux modes amiables dans lesquels le juge aura un rôle central.
Il a présenté deux mesures nouvelles : la césure et la procédure de règlement amiable.
La césure consiste à faire trancher par le juge le fond du litige et ensuite à demander aux parties de s’accorder sur le reste des demandes.
La procédure de règlement amiable, qui s'appellera « audience de règlement amiable », permet au juge d’aider les parties, avec leurs avocats, à trouver un accord. L'objectif est de « diviser par deux » le délai de traitement des procédures civiles d’ici à 2027.
Le ministre a fait le constat que les décrets Magendie, qui organisent la procédure d'appel, n’ont pas atteint leurs objectifs de réduction des délais. « Aussi, il nous faut desserrer les délais de procédures prévus à ces décrets, dont la rigidité pénalise les avocats et les justiciables ».

Justice économique

S'agissant la justice économique, plusieurs mesures sont envisagées :

  • codification du droit international privé, outil de promotion du droit français à l'international très attendu par les entreprises et les Français de l'étranger notamment.
  • ouvrir davantage les acteurs du monde judiciaire aux dimensions économiques, par exemple en favorisant des détachements de magistrats de l’ordre judiciaire dans les tribunaux de commerce.
  • transformation, à titre expérimental dans un premier temps, de certains tribunaux de commerce en Tribunaux des activités économiques : ce TAE sera compétent pour connaître de toutes les procédures amiables et collectives, quels que soient le statut et le domaine d’activité des opérateurs économiques concernés : commerçants et artisans mais également agriculteurs, certaines professions libérales, SCI et associations.

Une contribution financière des entreprises sera mise en place, à l’instar de ce qui se pratique dans de nombreux autres pays européens. Elle sera proportionnelle à l’enjeu du litige et fonction de la capacité contributive de ces sociétés, et ne concernera donc que les très gros litiges. Cette contribution pourra venir abonder notamment le budget de l’aide juridictionnelle.

« Il faut renforcer encore davantage l’attractivité du droit français, car la force économique d’un pays, son emploi, sa capacité d’attirer les meilleurs et donc sa capacité d’innover sont liés à des questions d’attractivité du droit »  a assuré Eric Dupond-Moretti.

Plan de transformation numérique

Un plan de transformation numérique, « chantier prioritaire», sera lancé avec un horizon clair fixé pour 2027 : un ministère de la Justice entièrement numérisé : zéro papier.  Renforcement et sécurisation des réseaux, accélération des améliorations des logiciels métiers, recrutement de techniciens informatiques dans toutes les juridictions dont les capacités d’intervention seront élargies.

Par ailleurs, le ministre a annoncé le développement d'une application smartphone pour le ministère. Cet outil mettra à portée de doigt, dès le mois d’avril prochain, des informations sur le fonctionnement de la justice, par exemple des simulateurs en matière de pension alimentaire ou d’aide juridictionnelle. On pourra aussi se géolocaliser pour accéder facilement à toutes les informations utiles sur son tribunal, localiser le Point Justice le plus proche, trouver un avocat ou un notaire.
A partir de 2024, il sera possible pour une victime de demander par ce biais une indemnisation devant le tribunal correctionnel, ou de former une demande d’aide juridictionnelle. Le téléphone sera utilisé aussi pour la prise de rendez-vous par le conseiller d’insertion et de probation ou encore pour envoyer des rappels d’audience par SMS.

Refonte de la procédure pénale

Sur la procédure pénale, il s'agit de simplifier et moderniser la procédure.
Depuis son entrée en vigueur en mars 1959, le code de procédure pénale a connu de multiples révisions, au point de devenir illisible même pour les praticiens les plus expérimentés.
« Le constat est sans appel : notre code de procédure pénale est devenu un code de plus de 2000 pages, avec des articles opérant des renvois de textes trop nombreux, mais également des incohérences multiples ».
Par conséquent, il est prévu, dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation pour la justice, qu'un article habilite le Gouvernement à réécrire par voie d’ordonnance le code de procédure pénale.
« Il ne s’agit pas de remettre à plat les grands principes, les acquis des droits de la défense ou encore les évolutions procédurales récentes mais, au contraire, en se fondant sur une codification à droit constant, de réécrire les différents articles, de les regrouper, les réorganiser : en somme, de les moderniser ».

Justice pénale

En ce qui concerne la justice pénale, plusieurs mesures ont été annoncées :

  • Réforme du statut de témoin assisté à l’instruction
  • Possibilité d’utilisation plus large par les procureurs de la procédure de comparution à délai différé (délai plus rapide, meilleurs protection des victimes)
  • Modification du régime des perquisitions de droit commun en matière criminelle (renfort du pouvoir des enquêteurs)
  • Mesures de simplification de la procédure de comparution immédiate
  • Permission pour le JLD de modifier un contrôle judiciaire pour un allègement de l’organisation des audiences et de la charge du tribunal correctionnel

Justice sociale et conseils de prud’hommes

S’agissant de la justice sociale et des conseils de prud’hommes, le défi principal est celui des délais.
Pour le ministre, il faut renforcer les moyens d’aide à la décision, les formations, et l’indemnisation des conseillers prud’hommes, ceci sans mettre en cause le principe paritaire qui fonde cette juridiction si spécifique. Pour faciliter l’accès à cette fonction, il faut aussi assouplir les conditions tenant aux candidatures.

Par ailleurs, les questions d’instruction des affaires, d’audiencement, de gestion doivent devenir prioritaires. À cette fin, il estime nécessaire de renforcer les responsabilités et prérogatives des présidents des tribunaux judiciaires et des greffiers. Cela se fera en concertation étroite avec le conseil supérieur de la prud’homie.

Arnaud Dumourier (@adumourier)    

Voir aussi : Plan d’action issu des États généraux de la justice : réactions


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