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Les obstacles à appréhender dans la rédaction d’une mesure d’instruction
Particulièrement utilisée dans des affaires de concurrence déloyale, la mesure d’instruction in futurum pourrait se heurter à plusieurs obstacles que constituent le secret des affaires, le respect de la vie privée du salarié ou encore l’interférence avec la procédure de saisie-contrefaçon. Toutefois, la jurisprudence a peu à peu écarté ces difficultés éventuelles.
Concernant le secret des affaires, il ne constitue pas en lui-même un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du CPC, dès lors que le juge constate que la mesure qu’il ordonne procède d’un motif légitime et est nécessaire à la protection des droits de la partie qui l’a sollicitée10. Au demeurant, la mise sous séquestre des éléments saisis chez l’huissier instrumentaire de la mesure, qui est quasiment automatique dans les juridictions d’Ile-de-France, constitue une protection perçue comme suffisante du secret des affaires.
La problématique du respect de la vie privée du salarié concerne avant tout les fichiers et dossiers identifiés comme « personnels » par le salarié. A la différence des documents non strictement identifiés comme personnels11, ils ne bénéficient pas de la présomption de professionnalité et ne sont donc pas librement accessibles par l’employeur. La Cour de cassation a néanmoins refusé d’y voir un obstacle de principe à l’exécution de la mesure in futurum12. La protection accordée désormais est que le salarié dont les correspondances et fichiers personnels sont examinés doit être présent pendant l’exécution de la mesure ou doit avoir été invité à y participer13.
Enfin, l’article 145 du CPC ne peut pas être utilisé dans les domaines réservés de la saisie-contrefaçon, notamment prévue à l’article L.332-1 du Code de la propriété intellectuelle pour les droits d’auteur. La Cour de cassation a ainsi édicté le principe de nullité des mesures d’instruction qui constitueraient des opérations de « saisie-contrefaçon déguisée »14. Une solution pratique permettant de contourner cet obstacle consiste à viser les deux fondements légaux et définir distinctement les faits dans la requête15.
Toutefois, la loi n°2014-315 du 11 mars 2014 a récemment apporté une incertitude sur le sort de cette jurisprudence en introduisant un nouvel article L.332-1-1 dans le Code de la propriété intellectuelle qui autorise désormais le juge à ordonner « toutes les mesures d’instruction légalement admissibles » et donc pourrait suffire à solliciter les mêmes mesures que celles couvertes par l’article 145 sans avoir à le citer.