Nouvelles dispositions issues de la Loi relative à la protection du secret des affaires : les mesures de protection au cours des procédures civiles et commerciales

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Cédric de Pouzilhac et Marion Carrega, respectivement associé et collaboratrice en contentieux et arbitrage au sein du cabinet Aramis, examinent les nouvelles dispositions du Code de commerce introduites par la loi du 30 juillet 2018, concernant la protection du secret des affaires devant les juridictions civiles ou commerciales.

Issu de la récente loi du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires, le nouvel article L.153-1 du Code de commerce instaure des règles procédurales visant à adapter, dans le cadre des débats judiciaires, les règles du respect du contradictoire et de la publicité aux exigences de protection du secret des affaires.

Ainsi, à l’occasion d'une instance civile ou commerciale dans le cadre de laquelle il serait allégué par l’une des parties que la communication ou la production d’une pièce pourrait porter atteinte au secret des affaires, le juge peut mettre en œuvre les mesures suivantes, d’office ou à la demande de l’une des parties : (i) prendre seul connaissance de cette pièce et, s’il l’estime nécessaire, ordonner une expertise sur la question de l’éventuelle application de mesures de protection du secret des affaires, (ii) limiter sa communication ou sa production à certains éléments, en ordonner la communication ou la production sous forme d’un résumé, ou encore en restreindre l’accès pour chacune des parties, au plus à une personne physique et une personne habilitée à l’assister ou la représenter ; (iii) tenir les débats et rendre sa décision sans présence du public à l’audience ; ou enfin (iv) adapter la motivation de sa décision ainsi que les modalités de sa publication pour ne pas divulguer le secret.

Les mesures ainsi définies résultent de l’article 9 de la Directive européenne n°2016/943, dont la loi du 30 juillet 2018 a effectué la transposition. Cependant, si le texte européen ne les envisageait que pour les procédures relatives spécifiquement à une atteinte au secret des affaires, le législateur français a décidé de systématiser la possibilité d’adopter ces règles dérogatoires à toutes les procédures devant les juridictions civiles et commerciales.

Le nouvel article L.153-2 du Code de commerce impose par ailleurs une obligation de confidentialité à toute personne ayant accès à une pièce considérée par le juge comme étant couverte ou susceptible d’être couverte par le secret des affaires. Cette confidentialité perdure à l’issue de la procédure, sauf si le secret cesse d’en être un.

Ces dispositions auront tout particulièrement vocation à être utilisées dans le cadre des procédures faisant suite à des mesures d’instruction in futurum réalisées sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile. En effet, les tribunaux considèrent que, par principe, le secret des affaires ne fait pas obstacle à la mise en œuvre d’une telle mission d’investigation. Néanmoins, ils imposent généralement une mise sous séquestre des documents appréhendés, l’ouverture du séquestre faisant ensuite l’objet d’une procédure contradictoire, où les parties peuvent notamment débattre de la présence d’informations relevant du secret des affaires dans les documents en cause.

Dans ces situations, le juge a désormais la possibilité de créer des "cercles de confidentialité", en limitant l’accès des pièces problématiques à certaines personnes, ce qui correspond à une pratique déjà suivie aujourd’hui devant certaines juridictions. Si cela permet de concilier le respect du contradictoire avec la protection du secret des affaires, il est probable que la mise en application concrète de ces nouvelles dispositions soulèvera des questions.

Cédric de Pouzilhac, avocat associé, et Marion Carrega, avocate, cabinet ARAMIS


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