La CEDH condamne la France pour avoir infligé à un avocat une sanction disciplinaire disproportionnée.
En l’espèce, un homme, poursuivi pénalement en France pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme, a été arrêté à Damas, en Syrie. Lors de ces interrogatoires, ce dernier aurait été torturé. Il a ensuité été extradé vers la France.
Devant le tribunal, son avocat, sollicite le retrait du dossier des pièces de la procédure obtenues, selon lui, sous la torture des services secrets syriens, et affirme que les magistrats instructeurs français avaient été complices dans l’utilisation de la torture.
Le tribunal écarte les pièces et condamne le prévenu.
Son avocat interjette appel, réaffirmant dans sa défense la complicité des magistrats français.
Le procureur général demande alors aux autorités ordinales d’engager des poursuites disciplinaires contre l’avocat pour manquements aux principes essentiels d’honneur, de délicatesse et de modération régissant la profession d’avocat.
La cour d’appel de Paris prononça à l’encontre de l’avocat un blâme assorti d’une inéligibilité aux instances professionnelles pour une durée de cinq ans.
Selon les juges du fond, les propos litigieux mettaient personnellement en cause l’intégrité morale des magistrats instructeurs.
Elle estime que l’accusation de complicité d’actes de torture était inutile, les pièces de la procédure ayant été écartées par le tribunal.
L’avocat forma un pourvoi en cassation, lequel fut rejeté.
Considérant que cette sanction disciplinaire porte atteinte à sa liberté d’expression, l’avocat a saisi la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH).
Le 15 décembre 2015, la CEDH estime qu’il y a eu violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme en raison du caractère disproportionné de la peine infligée.
La Cour relève que les propos litigieux, de par leur virulence, avaient un caractère outrageant pour les magistrats en charge de l’instruction. Néanmoins, ces propos ne les visaient pas nommément mais portaient sur leurs choix procéduraux.
Par ailleurs, la CEDH estime que ces écrits, qui reposaient sur une base factuelle, participaient également directement de la mission de défense du client de l’avocat et ne sont pas sortis de la salle d’audience.
En outre, du fait que l’avocat avait déjà été invité au cours de l’audience devant la cour d’appel de Paris à mesurer ses propos, la Cour est d’avis que la sanction disciplinaire infligée n’était pas proportionnée.
Enfin, s’il appartient aux autorités judiciaires et disciplinaires, dans l’intérêt du bon fonctionnement de la justice, de sanctionner certains comportements des avocats, ces autorités doivent veiller à ce que le contrôle ne constitue pas une menace ayant un effet inhibant qui porterait atteinte à la défense des intérêts de leurs clients.