La CEDH estime que la juridiction russe ayant condamné le bâtonnier du barreau de Moscou pour diffamation n’a pas mis en balance la nécessité de protéger la réputation des plaignants et l’intérêt général.
L’affaire concerne une action en diffamation exercée contre M. Reznik, bâtonnier du barreau de Moscou, pour les propos critiques qu’il avait tenus lors d’une émission-débat télévisée au sujet du comportement de gardiens de prison de sexe masculin qui avaient fouillé l’avocate du célèbre homme d’affaires Mikhail Khodorkovskiy.
Dans un arrêt du 4 avril 2013, la Cour européenne des droits de l'Homme énonce qu'elle n’est pas convaincue par la thèse du gouvernement russe selon laquelle la qualité d’avocat du requérant aurait dû l’inciter à faire preuve d’une circonspection particulière dans le choix de ses expressions.
La Cour a souligné à plusieurs reprises dans sa jurisprudence que "les avocats ont le droit de se prononcer publiquement sur le fonctionnement de la justice, pourvu que leurs critiques ne franchissent pas certaines limites".
En l’espèce, les propos du requérant s’adressaient à un public de téléspectateurs profanes, non à des spécialistes du droit. Considéré comme fautif par le tribunal de Moscou, pour qui les gardiens avaient "inspecté" Me A. mais ne l’avaient pas "fouillée", le terme "fouille" décrit pourtant parfaitement, dans le langage courant, la procédure dont Me A. a fait l’objet.
En outre, le format de l’émission, à savoir un débat entre le requérant et un représentant du ministère de la Justice, était conçu pour susciter un échange de vues, voire une polémique, de manière que les opinions exprimées s’équilibrent entre elles. Le débat ayant été diffusé en direct, l’intéressé ne pouvait pas reformuler ses déclarations avant leur diffusion.
De plus, le contradicteur du requérant avait pris la parole après l’intéressé, de sorte qu’il pouvait réfuter les allégations qu’il considérait inexactes et exposer sa propre version des faits litigieux.
La Cour estime que le fait que le requérant ait qualifié cette procédure dont Me A. a fait l’objet de "fouille" plutôt que d’"inspection" n’est pas déterminant.
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