A l'occasion des 20 ans du CMAP, Le Monde du droit a interrogé Mélanie Germain, Juriste responsable des activités internationales du CMAP.
Le CMAP a fêté ses 20 ans en octobre 2015. A cette occasion, il a publié le bilan de ses actions, tant en matière de médiation que d’arbitrage. Parmi celles-ci, en 2015, le CMAP a élaboré et remis à la Commission Européenne et au Parlement Européen, puis au Ministère de la justice, un rapport portant sur l’encadrement de la fonction de médiateur en Europe. Parlez-nous de cette étude. Notamment :
Qu'en est-il de l'encadrement du métier de médiateur en Europe?
Aujourd’hui, l’activité de médiateur n’est pas règlementée au niveau européen. Dans la plupart des Etats-Membres, n’importe qui peut donc se prétendre médiateur, sans même avoir suivi de formation spécifique. Une étude européenne menée en 2013 et 20141 a d’ailleurs mis en évidence la nécessité d’un encadrement minimum pour permettre à la médiation de se développer réellement. En effet, l’absence de contrôle sur la qualité des médiateurs a été identifiée comme étant un des freins au développement de la médiation dans les Etats-Membres de l’Union. Les partenaires du projet « Go to médiation », dans le cadre duquel a été menée cette enquête, ont donc décidé d’analyser ce qui existait actuellement en Europe et ont formulé une série de recommandations à destination de la Commission Européenne et du Parlement Européen. Ces travaux ont été remis aux deux instances européennes au début de l’année 2015.
Quelques Etats européens ont d’ores et déjà encadré la fonction de médiateur. C’est le cas par exemple de la Belgique, qui a créé une Commission fédérale chargée notamment de certifier des médiateurs. Les médiations judiciaires, c’est-à-dire celles ordonnées dans le cadre d’une instance judiciaire en cours, doivent ainsi obligatoirement être confiées à un médiateur agréé par cette entité nationale. Les conditions d’agrément auprès de cette Commission Fédérale sont multiples, mais on peut notamment citer l’obligation d’avoir suivi une formation de 60 heures de base (et 30 heures de spécialisation). En Italie, ce sont des Centres de médiation qui sont agréés par le Ministère de la Justice, et les médiateurs qui souhaitent exercer doivent donc être affiliés à un des Centres agréés. Là encore, des critères de formation et d’évaluation sont au cœur du système d’agrément. En France, aucun agrément national n’existe à ce jour et, même si des projets de loi récents commencent à évoquer la création de listes de médiateurs, rien n’est actuellement prévu. Depuis de nombreuses années, le CMAP a bien compris la nécessité de garantir la qualité de ses médiateurs et a donc mis en place un système de certification, en partenariat avec l’ESCP Europe. Les médiateurs agréés par le CMAP doivent obligatoirement avoir suivi une formation à la médiation de base de 50h minimum, avoir réussi l’examen de certification CMAP-ESCP Europe et justifier d’une expérience professionnelle de 10 années au moins.
Aujourd’hui, cet encadrement de la fonction de médiateur semble essentiel. Sans enfermer cette activité dans un carcan trop étroit, et sans la soumettre donc à des conditions trop strictes, un encadrement minimum semble souhaitable afin de gagner en légitimité. 90% des pays ayant répondu à l’enquête « Go to mediation »2 estiment d’ailleurs qu’une formation initiale du médiateur est nécessaire. Le manque de consensus sur le nombre d’heures nécessaires3 démontre qu’il est sans doute souhaitable de laisser une certaine flexibilité aux Etats sur cette question.
De même, il est intéressant de souligner que dans 85% des pays ayant répondu, la réussite d’un examen théorique et pratique pour devenir médiateur est souhaitée. A travers cette étude menée à l’échelle européenne, et d’autres études menées au niveau national notamment en France4, il apparaît clairement que cette notion d’encadrement de la fonction de médiateur est au cœur des préoccupations des acteurs économiques. Il est ainsi fort probable qu’elle fasse l’objet de futurs développements législatifs, aussi bien au niveau européen qu’au niveau national.
Les médiateurs européens sont-ils tous soumis aux mêmes règles d'éthique ?
D’une certaine façon oui, car il existe depuis 2004 un code de conduite européen. Sans avoir toutefois de portée impérative, ce code de conduite a certainement servi de base à bien des textes depuis, et notamment à la directive européenne 28/52/CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation civile et commerciale. Cette directive, transposée dans les Etats- Membres de l’Union européenne5, impose au médiateur d’être compétent, impartial et neutre, et de respecter la plus stricte confidentialité.
Quels sont les sanctions et l'encadrement associés à ces règles d'éthique ?
Ces principes posés par les textes ne sont pas associés à des sanctions. Toutefois, si les législations européennes ne sont pas encore uniformisées sur les devoirs du médiateur et son éthique, la France prévoit, dans le cadre des médiations civiles et commerciales relevant de la loi du 8 février 1995, une règle sur la confidentialité qui stipule (article 24 reproduit dans le NCPC ) : « Les constatations du médiateur et les déclarations qu'il recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure sans l'accord des parties, ni en tout état de cause dans le cadre d'une autre instance. ». Sur la base de cette règle, le non respect de la confidentialité serait ainsi susceptible d'engager la responsabilité du médiateur. Par ailleurs, la création d’un agrément national permettrait sans doute de sanctionner les médiateurs ne respectant pas les règles d’éthique, a minima en leur retirant leur agrément.
Arnaud Dumourier (@adumourier)
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NOTES
1. Etude menée par le CMAP - Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris - dans le cadre du Programme européen « Go to mediation », cofinancé par la Commission Européenne
2. Le questionnaire « Go to mediation » a été soumis à des institutions de médiation présentes dans les 28 Etats-Membres de l’Union européenne. Sur ces 28 pays, 22 pays ont répondu au questionnaire
3. Le nombre d’heures de formation « idéal » exprimé par les répondants est, en moyenne, de 63 heures et s’étale de 40 à 60 heures dans la grande majorité des pays
4. Une étude menée en 2014 par le CMAP auprès des entreprises françaises a montré qu’une des préoccupations actuelles des potentiels utilisateurs de médiation est la garantie de la qualité des médiateurs
5. Cette directive a fait l’objet d’une transposition en droit français par une ordonnance du 16 novembre 2011 et un décret d’application du 20 janvier 2012