Présentation du dispositif législatif
Ce dispositif renforcé de lutte contre la fraude fiscale est principalement issu de trois lois du 11 octobre et du 6 décembre 2013. Trois axes s’en dégagent.
- Instauration du procureur de la République financier
Le procureur de la République financier a été créé par deux lois n° 2013-1115 et n° 2013-1117 du 6 décembre 2013. Ce parquet autonome est institué, depuis le 1er février 2014, au sein du tribunal de grande instance de Paris, sous le contrôle du Procureur général de la Cour d’Appel de Paris.
Cette nouvelle figure juridique inédite dispose d’une compétence nationale en matière d’infractions économiques et financières. La circulaire du 31 janvier 2014 a précisé qu’en matière de délits de nature fiscale, le procureur de la République financier est compétent en matière de fraude complexe prévue aux 1° à 5° de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales ou commise en bande organisée, d’escroqueries à la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu’elles apparaissent d’une grande complexité et de blanchiment de ces infractions et des infractions connexes.
- Aggravation de la répression
Six nouvelles circonstances aggravantes sont listées par l’article 1741 du code général des impôts tel que modifié par la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, parmi lesquelles figurent la circonstance de bande organisée, de domiciliation fiscale fictive ou encore de recours à un acte fictif.
Les peines ainsi aggravées sont portées à sept ans d’emprisonnement et 2 millions d’euros d’amende.
Le statut de repenti est désormais applicable et permet une réduction de moitié de la peine privative de liberté encourue par l’auteur ou le complice d’un délit de fraude fiscale qui a permis d’identifier les autres auteurs ou complices de ce délit.
L’administration fiscale dispose, depuis la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, d’un délai de six ans pour déposer plainte en matière de fraude fiscale, au lieu de trois ans auparavant.
En matière de blanchiment de fraude fiscale, le nouvel article 324-1-1 du code pénal institue un renversement de la charge de la preuve dès lors que les conditions de réalisation d’une opération ne peuvent s’expliquer autrement que par la volonté de dissimuler l’origine des biens ou des revenus, qui sont alors présumés être le produit d’un crime ou d’un délit.
- Renforcement des procédures d’enquêtes
La loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a étendu les possibilités de recours à des mesures d’investigation dérogatoires du droit commun, prévues par l’article 706-1-1 du code de procédure pénale, à la fraude fiscale aggravée et au blanchiment de ce délit.
Ainsi les services d’enquête peuvent avoir recours, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, à des surveillances, des infiltrations, des interceptions de correspondances téléphoniques, des sonorisations et fixations d’images de certains lieux et véhicules, des captations, conservations et transmissions de données informatiques et des saisies conservatoires.
Afin de spécialiser davantage les services d’enquête, un Office Central de Lutte contre la Corruption et les Infractions Financières et Fiscales (OCLCIFF) a été créé par le décret n° 2013-960 du 25 octobre 2013, au sein de la Direction centrale de la Police Judiciaire.
Cet office central, composé de la brigade nationale de lutte contre la corruption et la criminalité financière et de la brigade de répression de la délinquance fiscale, est compétent pour les infractions mentionnées à l’article 28-2 du code de procédure pénale (fraude fiscale), les atteintes à la probité des personnes publiques et les infractions de droit pénal des affaires. L’OCLCIFF est également compétent pour les faits de blanchiment de ces infractions et pour les infractions qui leur sont connexes.
Les missions de l’OCLCIFF sont diverses : mener des enquêtes judiciaires, assister d’autres services lors de celles-ci, effectuer ou poursuivre à l’étranger les recherches, recueillir et centraliser des renseignements, suivre et exploiter tout dispositif de signalement mis en place. Ces enquêtes sont réalisées soit à l’initiative de l’office, soit à la demande de magistrats spécialisés du parquet ou de l’instruction.
Un an après les annonces du Président de la République suite à l’affaire Cahuzac, ce dispositif législatif a été complété par la circulaire relative à la lutte contre la fraude fiscale du 22 mai 2014.
Afin de déjouer les schémas de fraude fiscale, cette circulaire recommande une intensification et un suivi des échanges entre l’administration fiscale et l’autorité judiciaire.
A ce titre, les services fiscaux sont invités à faire un usage actif de l’article 40 du code de procédure pénale en portant à la connaissance des autorités judiciaires des infractions dont ils ont connaissance à l’occasion de leurs fonctions.
L’administration fiscale doit diversifier ses plaintes, tant à raison de la nature des fraudes que des moyens juridiques mis en œuvre. Son choix doit se porter prioritairement sur les fraudes les plus graves, notamment au regard des enjeux financiers, mais également sur les fraudes fiscales de nature patrimoniale ou internationale.
La circulaire encourage les services de recouvrement à déposer des plaintes pour fraude fiscale contre les personnes qui organisent leur insolvabilité ou font obstacle au recouvrement des impôts par toutes autres manœuvres.
De leur côté, la circulaire prévoit que les parquets doivent veiller à élargir le champ des incriminations liées à la fraude fiscale afin que puissent être sanctionnés des délits connexes, comme le blanchiment ou le recel.
Le procureur de la République doit en outre s’assurer de la réception par l’administration fiscale d’un avis à victime dans les affaires où un délit de nature fiscale est poursuivi. En cas de classement sans suite, elle doit être informée des éléments ayant conduit à une telle décision.
Dans le prolongement du durcissement des sanctions applicables à la fraude fiscale, les parquets sont invités à prendre des réquisitions empreintes de fermeté, notamment en cas de volonté flagrante du contribuable d’échapper à l’impôt, de recours à des manœuvres tendant à égarer l’administration, d’absence de volonté d’amendement du prévenu ou encore en présence d’une récidive légale ou d’une réitération d’infractions.
Enfin, les parquets sont incités à favoriser, à titre de peines complémentaires, les saisies et confiscations ainsi que l’affichage et la diffusion de la décision.