Qui juge les tweets d'apologie du terrorisme postés depuis l'étranger ?

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La circonstance que des tweets postés depuis l'étranger aient été accessibles depuis la France ne caractérise pas, à elle seule, un acte de publication sur ce territoire rendant le juge français compétent pour en connaître. Toutefois, en l'espèce, les propos litigieux visaient explicitement la France, pays restant frappé par le terrorisme islamiste.

La direction zonale de la sécurité intérieure nord (DZSI) a adressé un signalement au procureur de la République de Lille relatif à l'activité publique de propagande à visée terroriste d'un individu au moyen d'un compte Twitter (nouvellement X), sous pseudonyme.
La DZSI a en effet relevé plusieurs propos susceptibles de caractériser le délit d'apologie publique d'un acte de terrorisme, tenus par l'intéressé sur ce compte, entre le 25 mai et le 6 juillet 2022, période au cours de laquelle celui-ci se trouvait en Algérie.
A son retour en France le 19 juillet suivant, il a été interpellé.
Les adresses IP de connexion au compte utilisé pendant la période considérée ont été localisées en Algérie, l'intéressé se connectant à internet au moyen d'un réseau privé virtuel.
Le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable du délit poursuivi et a prononcé sur les peines. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel du jugement.

Pour écarter l'exception d'incompétence territoriale soulevée par le prévenu et confirmer le jugement, la cour d'appel de Douai a énoncé notamment que les tweets litigieux avaient été publiés et diffusés sur le réseau internet en langue française et qu'ils étaient accessibles à tous sans aucune restriction depuis le territoire français.
Ils ont ajouté que, dès lors que la publicité des écrits, élément constitutif de l'infraction d'apologie du terrorisme reprochée, avait eu lieu sur le territoire de la République, l'infraction était réputée commise sur ce territoire, quand bien même les messages auraient été écrits par le prévenu alors qu'il se trouvait en Algérie.

Dans un arrêt du 7 novembre 2023 (pourvoi n° 22-87.230), la Cour de cassation considère que c'est à tort que les juges du fond ont retenu que les faits étaient réputés avoir été commis sur le territoire national. En effet, en l'absence de tout critère rattachant au territoire de la République des propos incriminés sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la circonstance que ceux-ci, du fait de leur diffusion sur internet, aient été accessibles depuis ledit territoire ne caractérise pas, à elle seule, un acte de publication sur ce territoire rendant le juge français compétent pour en connaître.

Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors qu'il en résulte que les propos poursuivis ont été diffusés en langue française, certains accompagnés de photographies représentant la France, stigmatisée comme un pays de mécréance, opposé à l'organisation dite Etat Islamique, d'autres incitant les musulmans à se sentir étrangers sur "toutes les terres qui refusent d'appliquer et combattent les lois d'Allah", notamment la France, et ce, alors que le territoire de la République a été frappé et reste frappé par le terrorisme islamiste, éléments qui constituent, en l'espèce, des critères suffisants de rattachement desdits propos au territoire français.

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