Paris

13.9°C
Clear Sky Humidity: 66%
Wind: NE at 5.66 M/S

Le secret des affaires - 4. Comment est indemnisée l'atteinte au secret des affaires ?

4. Comment est indemnisée l'atteinte au secret des affaires ?

En cas d'atteinte au secret, les tribunaux indemnisent leur détenteur en application des règles classiques de la responsabilité délictuelle : "tout le préjudice, rien que le préjudice" ! Tant la proposition de directive que de loi promettent une réorganisation de cette évaluation : à l'instar du droit de la propriété intellectuelle, seront pris en compte les conséquences économiques négatives et le préjudice moral de la personne lésée, ainsi que les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant (17).

La tâche probatoire du demandeur est toutefois difficile : devra être rapportée la preuve que la divulgation au public des informations pourtant confidentielles a bien pour origine le défendeur à l'action (18). Un exercice parfois périlleux, à l'heure d'internet et des multiples réseaux de communication.

En l'absence d'un régime spécifique, l'action initiée suite à une violation de secrets se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l'exercer (19). Ce délai de prescription serait toutefois fortement diminué par les modifications textuelles à venir : le législateur européen souhaite ainsi une durée de prescription d'"un an au moins et de deux ans au plus à compter de la date à laquelle le requérant a pris connaissance du dernier fait donnant lieu à l'action, ou aurait dû en prendre connaissance" (20).

Les propositions de directive et de loi en cours de discussion pourraient donc significativement renforcer les droits des détenteurs des secrets des affaires. Reste à souhaiter que les pouvoirs législatifs français et européens adoptent au plus vite ces textes prometteurs !

 

Emmanuel Gougé, Associé, Pinsent Masons

____________________________________________

 NOTES

(1) Proposition de directive, COM(2013) 813 final, du Parlement européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites, du 28 novembre 2013.
(2) Proposition de loi n°2139 relative à la protection du secret des affaires, du 16 juillet 2014.
(3) Article 39 du traité ADPIC.
(4) Notamment, considérant n°8 de la proposition de directive du 28 novembre 2013.
(5) En ce sens, CA Paris, 12 avril 2013, RG n°12/21643.
(6) CA Paris, 21 juin 2013, RG n° 12/10106 ; Cass. crim., 19 septembre 2009, n° 05-85360.
(7) Par renvoi à l'article L.1227-1 du Code du travail : "Le fait pour un directeur ou un salarié de révéler ou de tenter de révéler un secret de fabrication est puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30 000 euros".
(8) Proposition d'article. L.151-8 du Code de commerce : " I. – Le fait pour quiconque de prendre connaissance ou de révéler sans autorisation, ou de détourner toute information protégée au titre du secret des affaires au sens de l’article L. 151-1 du code de commerce, est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende".
(9) Œuvres de Voltaire, Volume 72, Tome II, 1840.
(10) Entendu ici comme un nombre limité de personnes auxquelles le secret a été communiqué.
(11) Articles 14 et suivants et 132 du Code de procédure civile.
(12) Rapport annuel de la Cour de cassation de 2010 ; Cass. civ. 2ème, 8 février 2006, n°05-14198.
(13) TC Nanterre, 9 mars 2011, n°2006F03121 ; TC Nanterre, 2 janvier 2012, n°2011R01510.
(14) Articles R.521-5 du Code de la propriété intellectuelle en matière de dessins et modèles ; R.615-4 pour les brevets ; R.623-53-1 pour les obtentions végétales ; R.716-5 pour les marques et R.722-5 pour les indications géographiques.
(15) Article 8 de la proposition de directive du 28 novembre 2013, "Protection du caractère confidentiel des secrets d'affaires au cours des procédures judiciaires".
(16) Projets d'articles L.151-5 à L.151-7 du Code de commerce.
(17) Article 13 de la proposition de directive du 28 novembre 2013, "Dommages-intérêts" ; Projet d'article L.151-5 du Code de commerce.
(18) CA Paris, 22 janvier 2014, RG n°12/16151.
(19) Article 2224 du Code civil.
(20)Article 7 de la proposition de directive du 28 novembre 2013, "Délai de prescription".

 

A propos de l'auteur


Emmanuel Gougé, Associé, Pinsent MasonsEmmanuel Gougé, Avocat, Pinsent Masons

Emmanuel Gougé est spécialisé en droit de la propriété intellectuelle (brevetsd’invention et savoir-faire, marques, noms de domaines et autres signes distinctifs, dessins et modèles, droit d’auteur) ainsi qu’en droit des nouvelles technologies et intervient tant en conseil qu’en contentieux.  Il assiste ses clients dans leurs contentieux aussi bien internes qu’internationaux et intervient dans de nombreux contentieux multi-juridictionnels visant à assurer la protection et la défense de brevets d’invention dans de nombreux domaines.

 

 

Image

Actualisé quotidiennement, le Monde du Droit est le magazine privilégié des décideurs juridiques. Interviews exclusives, les décryptages des meilleurs spécialistes, toute l’actualité des entreprises, des cabinets et des institutions, ainsi qu’une veille juridique complète dans différentes thématiques du droit. De nombreux services sont également proposés : annuaire des juristes d’affaires, partenariats de rubriques (affichez votre expertise sur Le Monde du Droit), création d’émissions TV diffusées sur 4Change (Interviews, talkshows, chroniques...), valorisation de vos différentes actions (deals, nominations, études, organisations d’événements, publication de contributions, récompenses, création de votre cabinet...)