Toujours relativement nourri, le contentieux des contrats informatiques fournit l’occasion de confronter à la réalité technique et pratique certains des grands principes du droit des contrats dont l’application au fil des espèces permet de dégager les lignes d’évolution d’une matière dont la sphère d’influence n’est plus cantonnée aux seuls spécialistes et geeks du monde juridique.
Parmi les points d’intérêt identifiés, le contentieux 2010 investit le territoire des vices du consentement et, plus classiquement, contribue à l’appréhension de la portée de l’obligation de délivrance conforme, de l’obligation de conseil et des clauses limitatives de responsabilité. Il précise également les critères et méthodes d’indemnisation de la perte de chance.
1. Quand le dol fait irruption…gare aux conséquences
La décision du Tribunal de Grande Instance de Niort du 14 décembre 2009 (1) a été largement commentée. En substance, le Tribunal a considéré qu’en gardant le silence quant au risque fort de dérive du projet d’intégration CRM, lequel résultait de l’engagement ferme d’IBM sur le planning et le chiffrage global du projet en phase de conception, IBM avait obtenu une adhésion viciée de la MAIF aux éléments essentiels l’ayant conduite à contracter. Pour retenir le dol, les juges ont souligné la qualité de professionnel hautement qualifié d’IBM qui figurait expressément au contrat et indiqué que ce dol initial avait en outre été perpétué par la conclusion ultérieure de plusieurs protocoles à l’occasion desquels IBM avait maintenu la MAIF dans l’illusion du caractère forfaitaire du projet et du respect du périmètre initial.
Jugée coupable de réticence et manœuvres dolosives, IBM est ainsi condamnée à restituer à MAIF les montants versés au titre du contrat annulé pour dol ainsi qu’à lui verser plus de 9 millions de dommages et intérêts. Cette décision, d’une sévérité exemplaire dans un contexte traditionnellement propice aux dérives budgétaires et de calendrier(2), n’a pas manqué de susciter l’émoi des prestataires informatiques. Il n’est d’ailleurs pas interdit de penser que la rigueur (...)