Les comportements d’un maître ouvrier qui adresse à une ouvrière professionnelle de nombreuses remarques blessantes constituent des faits de harcèlement moral dès lors qu’ils excèdent les limites du pouvoir de direction du supérieur.
Mme A., ouvrière professionnelle de cuisine dans un lycée hôtelier, a déposé plainte contre M. X., maître ouvrier chargé de réorganiser le travail en cuisine, du chef de harcèlement moral.
Renvoyé devant le tribunal correctionnel, M. X. a été relaxé. La partie civile et le ministère public ont interjeté appel de cette décision.
Dans un arrêt du 24 mars 2017, la cour d’appel de Versailles a confirmé le jugement de relaxe. Elle a relevé que même si M. X. se montrait autoritaire dans la mesure où il claquait des doigts et criait, ce comportement, certes inadapté en termes de management du personnel, ne caractérisait pas suffisamment des faits de harcèlement moral. De plus, M. X. adoptait cette attitude vis-à-vis de tout le personnel. Enfin, le prévenu n’affectait pas Mme A. à d’autres tâches que celles de son poste et les propos dénoncés par la partie civile tel que "comment on peut engager des bons à rien comme cela" ou "si vous ne savez pas porter, vous n'avez qu'à pas prendre des métiers d'homme", bien que désobligeants, n’ont pas été prononcés à plusieurs reprises.
Le 19 juin 2018, la Cour de cassation casse l’arrêt rendu par les juges du fond.
Au visa des articles 222-33-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale, elle rappelle que le délit de harcèlement moral est constitué par le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En l’espèce, les comportements que la cour d’appel décrivait excédaient, quelle qu'ait été la manière de travailler de Mme A., les limites du pouvoir de direction de M. X. La cour d'appel n'a donc pas tiré les conséquences légales de ses constatations.
Cet arrêt constitue une nouvelle illustration en matière de droit social pour déterminer si l’attitude de certains supérieurs constitue un (...)