La réforme de la justice polonaise de décembre 2019 enfreint le droit de l’Union sur la notion d'Etat de droit. La valeur de l’Etat de droit relève de l’identité même de l’Union en tant qu’ordre juridique commun et se concrétise dans des principes contenant des obligations juridiquement contraignantes pour les Etats membres
Suite à l’adoption par la Pologne, le 20 décembre 2019, d’une loi modifiant les règles nationales relatives à l’organisation des juridictions de droit commun, des juridictions administratives et de la Cour suprême ("loi modificative"), la Commission européenne a introduit un recours en manquement, demandant à la Cour de justice de déclarer que le régime mis en place par cette loi méconnaît diverses dispositions du droit de l’Union.
Dans un arrêt du 6 juin 2023 (affaire C-204/21), la Cour de justice de l'Union européenne fait droit au recours de la Commission.
En premier lieu, la Cour confirme que le contrôle du respect par un Etat membre de valeurs et de principes tels que l’Etat de droit, la protection juridictionnelle effective et l’indépendance de la justice relève pleinement de sa compétence. En effet, les Etats membres doivent se conformer aux obligations issues du droit de l’Union et doivent veiller à éviter toute régression, au regard de la valeur de l’Etat de droit, de leur législation en matière d’organisation de la justice, en s’abstenant d’adopter des règles qui viendraient porter atteinte à l’indépendance des juges. Cette valeur fondamentale, relevant de l’identité même de l’Union, se concrétise par des obligations juridiquement contraignantes dont les Etats membres ne peuvent pas s’affranchir en se fondant sur des dispositions ou une jurisprudence internes, y compris d’ordre constitutionnel.
En deuxième lieu, la Cour réitère son appréciation selon laquelle la chambre disciplinaire de la Cour suprême ne satisfait pas à l’exigence d’indépendance et d’impartialité requise. Elle en déduit que la simple perspective, pour les juges appelés à appliquer le droit de l’Union, d’encourir le risque qu’une telle instance puisse se prononcer sur des questions relatives à leur statut et à l’exercice de leurs fonctions, notamment en autorisant des poursuites pénales à leur encontre ou leur arrestation ou en adoptant des décisions afférentes à des aspects essentiels (...)