A la suite de la publication du livre intitulé "Complices de l'inavouable-la France au Rwanda", qui comportait, en page de couverture, parmi une trentaine d'autres, la mention de son nom, un général, estimant que ce rapprochement lui imputait explicitement d'être l'un des complices du génocide survenu au Rwanda en 1994, a fait citer devant le tribunal correctionnel, du chef de diffamation envers un dépositaire ou agent de l'autorité publique, l'éditeur de l'ouvrage, son auteur, ainsi que la société éditrice.
Les premiers juges ont renvoyé les prévenus des fins de la poursuite, et débouté la partie civile de ses demandes. Celle-ci a relevé appel de cette décision.
Pour confirmer le jugement, par substitution de motifs, la cour d'appel de Paris a retenu notamment que, si la composition de la page de couverture, qui agrège le nom de la partie civile au titre, suggère au lecteur, par voie d'insinuation, que le général figure parmi les "complices de l'inavouable", et revêt ainsi un caractère diffamatoire à son égard, l'auteur disposait d'éléments sérieux sur les événements du Rwanda, et posait de nombreuses questions dans le cadre d'un débat présentant un évident caractère d'intérêt général, sur un sujet toujours d'actualité, sans dépasser, malgré un ton polémique, les limites permises de la liberté d'expression dans un Etat démocratique, ce qui doit conduire à accorder aux prévenus le bénéfice de la bonne foi
La Cour de cassation censure ce raisonnement au visa de l'article 593 du code de procédure pénale.
Elle rappelle que "tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence".
En l'espèce, en se déterminant ainsi, par des motifs généraux, sans rechercher si l'imputation litigieuse, même si elle concernait un sujet d'intérêt général, reposait sur une base factuelle suffisante, autorisant la mise en cause personnelle de la partie civile, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision".