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Du nom à la marque : enjeux et stratégies pour les cabinets d’avocats (Interview de Marie-Laure Fraux, Harry Communication)

Marie Laure FrauxLa confusion entre marque, nom commercial ou raison sociale est très fréquente ; or la différence entre les deux est bien réelle. Un nom avec une sonorité agréable ou un logo "design" ne suffit pas pour être une marque et générer de l’engagement pour Marie-Laure Fraux, fondatrice de l’agence Harry Communication.

Qu’est ce qu’une marque ?

Si juridiquement la notion de marque vise essentiellement à protéger des signes distinctifs, au sens marketing la définition couvre d’autres champs bien plus larges. Au- delà d’un signe, d’un logo, d’un nom, une marque est avant tout un repère sur un marché, qui permet d’orienter un client. Cette notion est fondamentale. Bien plus qu’un nom, une marque est avant tout le reflet d’une vision dans laquelle le client va se reconnaitre et à laquelle il va adhérer. Cette vision doit se traduire par une promesse, une sorte de contrat tacite entre le client et la marque, et c’est cette promesse qui va générer de l’engagement. Elle traduit le bénéfice que le client va retirer des services, de l’offre proposée. Rappelons-nous du "contrat de confiance" de Darty qui est l’exemple par excellence. Plus proche de nos métiers, "cette promesse s’inscrit dans un cercle vertueux, qui permet de mettre en exergue ses bonnes pratiques, ses engagements et certaines modalités particulières" précise Louis Degos, avocat et Président de la commission prospective au CNB. La définition de cette promesse est indispensable, mais elle doit impérativement dépasser le cadre déclaratif et être étayée d’éléments tangibles, de preuves. Comme en droit, on retrouve un élément fondamental : les faits. Sans fait, le discours se délite, les prises de parole n’ont pas de résonnance. En résumé, énumérer des valeurs ou des grands principes, sans action concrète, n’a aucun intérêt.

Et pour les cabinets d’avocats, quelles formes cela revêt-il ?

Pour les cabinets d’avocats, cette conception de marque est aujourd’hui une évidence. A noter que la question relative au nom du cabinet, à savoir doit-on conserver le nom des associés ou est-il préférable d’utiliser un nom illustratif, est à mon sens moins importante que le sens que revêt ce nom et les éléments qui lui sont rattachés. Il n’y a pas de réponse binaire à cette question, néanmoins "la dénomination de nouvelles identités doit bien évidemment respecter la déontologie de notre profession, au-delà du droit des marques" rappelle Louis Degos. La seule orientation est que la marque d’un cabinet ne peut se dissocier de l’histoire de ses fondateurs. Leur identité, ce qu’ils sont à titre individuel sont autant d’éléments de différenciation qui constituent l’ADN d’un cabinet. Il faut ensuite dégager les éléments caractéristiques et créer une cohérence identitaire avec les autres associés-fondateurs afin d’engager une promesse de marque qui soit créatrice de la valeur, l’objectif étant de dépasser le cadre de l’expertise qui ne suffit plus. En partant de ce qu’ils sont, l’histoire qu’ils vont exposer et proposer à leur client aura du sens et reposera, de fait, sur des éléments tangibles. Au-delà de l’externe, c’est également un levier formidable pour fédérer ses équipes et accroître l’engagement des collaborateurs.

Quels sont les enjeux pour les cabinets d’avocats aujourd’hui ?

Dans un contexte structurel en pleine mutation développer une marque pour les cabinets d’avocats est plus que jamais une nécessité. D’une part, pour créer de la valeur et éviter une certaine homogénéisation, et d’autre part pour pérenniser les relations avec leurs clients. "Avec l’instauration de marque, le cabinet travaille au même niveau que ses clients. Il y a un partage culturel qui est essentiel et dans lequel le client se reconnait puisque son conseil travaille avec la même culture de marché. Une relation égalitaire s’instaure. Elle permet également d’être reconnue par rapport aux autres cabinets d’avocats et constitue alors un signe concurrentiel distinctif", souligne Louis Degos. L’intégration de stratégies marketing peut générer des craintes, des doutes ou des freins, qu’il faut dépasser. Cette transformation correspond à l’évolution naturelle d’un marché mature qui va permettre de générer à nouveau de la valeur "sous réserve que cette culture du branding soit encadrée pour éviter la guerre des marques" précise Louis Degos tout en y voyant "un véritable enjeu de différenciation pour les cabinets, et des opportunités de développement incontournables au 21 ème siècle". C’est effectivement, l’occasion de rebattre les cartes notamment pour les petites ou moyennes structures qui ont beaucoup à gagner.

Propos recueillis par Arnaud Dumourier (@adumourier)

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