Questions à Christine Hilli-Poudevigne, Associée, MBA (Moisand Boutin Associés) à propos du Projet de loi El Khomri.
Le licenciement économique est-il simplifié ?
Le licenciement économique n’est pas simplifié mais il fait l’objet de précisions utiles. En effet, le projet de loi précise notamment les difficultés susceptibles de justifier un licenciement économique, à savoir une évolution significative d’au moins un indicateur économique, tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pendant un certain nombre de trimestres (1 à 4 trimestres selon la taille de l’entreprise), des pertes d’exploitation, une importante dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation ou tout élément de nature à établir leur matérialité. Si le projet prévoyait, dans sa version initiale, de limiter le périmètre d’appréciation du motif économique à la France, cette disposition a malheureusement été retirée de la dernière version du texte. La justification du motif économique demeure donc au niveau mondial. Tout ça pour ça !
Qu’en est-il des indemnités prud’homales ?
Rien de bien nouveau à l’horizon. Pour rappel, la loi Macron prévoyait de plafonner les indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse prononcées par les juges. Cette disposition a été censurée par le Conseil Constitutionnel car la grille retenue par la loi prenait notamment en compte l’effectif de l’entreprise, critère jugé sans lien avec le préjudice du salarié. L’avant-projet de loi El Khomri a tenté d’instaurer de nouveau le principe de plafonnement des indemnités en se basant sur la seule ancienneté du salarié. Devant la levée de boucliers soulevée par cette mesure, le gouvernement a renoncé à ce plafonnement. Le gouvernement a simplement pris l’engagement de publier rapidement le décret d’application du référentiel indicatif des indemnités prévu par la loi Macron.
Les CDD vont-ils être surtaxés ?
Le projet de loi ne le prévoyait pas au départ. Un projet d’amendement a ensuite été rajouté par le gouvernement, notamment pour calmer les syndicats et les jeunes. En effet, fort du constat que 90% des embauches se font en CDD (essentiellement d’une durée de moins d’un mois) et que le CDD est devenu la règle et le CDI l’exception, le projet d’amendement prévoyait de renchérir le coût des contrats courts. Il ne s’agissait pas réellement de surtaxation mais d’une modulation des cotisations patronales d’assurance chômage pour ces contrats courts. Finalement, le gouvernement a renoncé à son projet d’amendement et ce, pour ne pas heurter le patronat.
Comment s'organisera le référendum d’entreprise ?
Avant de pouvoir répondre à cette question, il est utile de comprendre les changements que le projet de loi entend apporter à la négociation collective. Ainsi, un accord collectif devra être signé par des organisations syndicales représentatives qui ont recueilli plus de 50% (contre au moins 30% actuellement) des suffrages lors des dernières élections professionnelles (on parle d’accord « majoritaire »). Si les organisations syndicales signataires n’atteignent pas le seuil de 50% (tout en représentant néanmoins plus de 30%), elles pourront alors demander, dans un délai d’un mois, la validation de l’accord collectif par référendum. Le référendum devra être organisé rapidement et sera réservé aux salariés qui sont électeurs. Pour être valide, l’accord devra être approuvé à la majorité des suffrages exprimés. En clair, cette règle apporte une complexité complémentaire à un sujet déjà très technique !
La durée légale du temps de travail va t-elle modifiée ?
La durée légale n’est pas modifiée par le projet de loi : la durée légale reste fixée à 35 heures par semaine. Toutefois, le projet de loi contient la réécriture de toutes les dispositions du code du travail sur la durée du travail, l’aménagement et la répartition des horaires, le repos quotidien, les jours fériés et les congés et ce, dans le respect de la durée légale de 35 heures. Le projet apporte ainsi quelques assouplissements. A titre d’exemple, le taux de majoration des heures supplémentaires sera prioritairement négocié par accord collectif d’entreprise et n’aura plus à respecter le taux fixé par accord de branche. A défaut d’accord d’entreprise, le taux prévu par l’accord de branche sera appliqué. Ce taux ne peut être inférieur à 10%. Le projet de loi apporte également des précisions utiles sur le forfait jours et permet de sécuriser ce dispositif.
Propos recueillis par Arnaud Dumourier (@adumourier)
Suivre @adumourier