Le Monde du Droit a interrogé Stéphane Sabatier, associé responsable du département Corporate de Norton Rose Fulbright à Paris, revient sur l'introduction de Mediawan sur Euronext qui constitue la toute première cotation en France d’un véhicule d’acquisition ou SPAC (Special Purpose Acquisition Company).
Pouvez-vous nous rappeler le contexte de cette opération ?
L’opération s’inscrit dans le cadre du projet porté par Pierre-Antoine Capton, Xavier Niel et Matthieu Pigasse de poursuivre leurs investissements dans les secteurs des médias et du divertissement en Europe. Ce SPAC, constitué sous la forme d’une société anonyme, a été considéré comme le support idoine d’une levée de fonds conséquente visant à financer une acquisition initiale portant sur une ou plusieurs cibles non encore identifiées dans les secteurs précités.
Quel a été votre rôle dans cette opération ?
Notre équipe a structuré l’opération en mobilisant les ressources offertes par le droit des sociétés français et en s’adaptant aux contraintes engendrées par la cotation du SPAC sur un marché réglementé. Nous avons notamment rédigé le prospectus visé par l’AMF le 11 avril dernier, les statuts de Mediawan et l’ensemble de la documentation liée à l’émission des titres financiers (actions ordinaires, actions de préférence rachetables et/ou convertibles, bons de souscription d’actions rachetables) ainsi qu’à sa gouvernance.
Il s'agit du premier "SPAC" en France, pouvez-vous nous expliquer ce qu'est un "SPAC" ?
Un "Special purpose acquisition company" est un véhicule d’acquisition coté en bourse et créé en vue de la réalisation d’investissements dans des entreprises non identifiées. Fondamentalement, l’activité du SPAC consiste exclusivement en l’identification d’opportunités d’acquisitions et en la réalisation de ces acquisitions.
Le SPAC se caractérise par un droit de regard des investisseurs sur la destination des fonds investis : le rapprochement d’entreprise est soumis à leur approbation et les actions détenues par les actionnaires opposés à l’acquisition sont rachetées. La réalisation de l’acquisition initiale ainsi approuvée entraine la transformation de cette structure atypique en holding ou en société opérationnelle cotée "traditionnelle", les actions de préférence étant alors converties en actions ordinaires et les fonds sécurisés immédiatement libérés.
Pourquoi réaliser un "SPAC"?
Le SPAC est une structure permettant d’immobiliser des fonds pendant un délai de plusieurs mois afin de réaliser l’acquisition initiale. Ses fondateurs procèdent à la sélection d’opportunités d’acquisitions tout en disposant de certitudes quant à leurs modalités de financement, ce qui constitue par ailleurs une garantie importante offerte aux potentiels cédants.
Outre la faculté de se dissocier du projet en cas de vote négatif sur l’acquisition proposée, les investisseurs bénéficient en retour du savoir-faire et du réseau de fondateurs renommés, de la liquidité liée à la cotation du SPAC sur un marché réglementé ainsi que des impératifs de transparence et d’égalité de traitement imposés par la règlementation boursière. Les bons de souscription d’actions souscrits par les actionnaires permettent en outre d’associer les parties prenantes à la création de valeur générée par l’acquisition initiale.
Quelles sont ses perspectives de développement en France et en Europe ?
En France, il est envisageable que Mediawan ouvre la voie à d’autres SPAC puisque les obstacles juridiques liés à sa création ont été surmontés. Les perspectives générales de développement des SPAC sont intrinsèquement liées à l’état des marchés financiers européens et à l’appétence des investisseurs à l’égard d’investissements innovants. A titre indicatif, près de 230 SPAC ont été créés aux Etats-Unis depuis 2003, pour plus de 30 milliards de dollars levés, contre seulement une dizaine de véritables SPAC en Europe.
Propos recueillis par Arnaud Dumourier (@adumourier)
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