Se prononçant pour la première fois sur ce cas de figure, la CEDH juge que l’absence en droit suisse, jusqu’en 2018, de modes alternatifs de reconnaissance, pour les couples de même sexe, d’un enfant né d’une gestation pour autrui a violé le droit à la vie privée d’un enfant.
Un couple d'hommes suisses, uni par un partenariat enregistré, a conclu un contrat de gestation pour autrui (GPA) aux Etats-Unis à l’issue duquel un enfant est né.
Si le lien de filiation entre le père génétique et l’enfant a été reconnu par les autorités suisses, le couple et l'enfant se sont plaints du refus de ces mêmes autorités de reconnaître le lien de filiation établi par un tribunal américain entre le père d’intention et l’enfant.
Dans un arrêt rendu le 22 novembre 2022 (requêtes n° 58817/15 et 58252/15), la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) note qu’à la naissance de l'enfant, en 2011, le droit suisse n’offrait aux requérants aucune possibilité de reconnaître le lien de filiation entre le parent d’intention et l’enfant. L’adoption n’était ouverte qu’aux couples mariés. Ce n’est que depuis le 1er janvier 2018 qu’il est possible d’adopter l’enfant d’un partenaire enregistré.
Ainsi, durant près de 7 ans et 8 mois, les requérants n’avaient aucune possibilité de faire reconnaître le lien de filiation de manière définitive.
La Cour estime que l’impossibilité générale et absolue d’obtenir la reconnaissance du lien entre l’enfant et le père d'intention pendant un laps de temps significatif constitue une ingérence disproportionnée dans le droit du troisième requérant au respect de sa vie privée protégée par l’article 8 de la Convention EDH. La Suisse a donc excédé sa marge d’appréciation en n’ayant pas prévu à temps, dans sa législation, une telle possibilité.
En ce qui concerne le père d'intention et le père génétique, la CEDH rappelle tout d’abord que la GPA à laquelle ils ont eu recours pour créer une famille était contraire à l’ordre public suisse.
Puis, elle juge que les difficultés pratiques que ces derniers pourraient rencontrer dans leur vie familiale en l’absence de reconnaissance en droit suisse du lien entre l'enfant et le père d'intention ne dépassent pas les limites qu’impose le respect de l’article 8 de la Convention.
Elle conclut ainsi (...)