Rappels sur la prescription : attention au 17 juin 2013

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Yves Sexer, Marceau AvocatsYves Sexer, Marceau Avocats et  Jean-François Binet, Elève Avocat reviennent sur le régime de la prescription issu de la loi 2008-561 du 17 juin 2008.

Le régime de la prescription a été réformé par la loi 2008-561 du 17 juin 2008 qui avait pour but de simplifier son régime, mais des difficultés demeurent.

1. Le délai

  • La durée

Si la loi du 17 juin 2008 a abaissé le délai de la prescription civile extinctive de droit commun à cinq ans tant en matière délictuelle que contractuelle (Code civil, article 2224), de très nombreux délais dérogatoires subsistent. Certains sont très courts (diffamation : trois mois, contrat de transport : un an, assurances : deux ans à compter du fait générateur …).

De plus, cette loi comprend un régime transitoire au terme duquel si le nouveau délai a pour effet de réduire le délai qui avait commencé à courir avant la réforme, le nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de cette loi (Code civil, article 2222 alinéa 2). Toutefois, le délai total de prescription ne peut être supérieur à l’ancien délai

Par conséquent, pour des faits antérieurs à la loi de 2008, un nouveau délai d’action a démarré le 17 juin 2008 et s’achèvera donc le 17 juin 2013 au plus tard.

  • Aménagement contractuel de la prescription

Il est possible (sauf exceptions) d’aménager contractuellement la prescription, il faut donc se méfier des clauses qui réduisent le délai d’action.

Toutefois, pour éviter les abus, la loi du 17 juin 2008 a encadré les possibilités d’aménagement de la prescription : elle ne peut pas être réduite à moins d'un an ni étendue à plus de dix ans (Code civil, article 2254). Cette règle est d’ordre public.

2. L’encadrement du délai

  • Point de départ de la prescription

La question du point de départ de la prescription est aussi importante que celle de sa durée. Ce pointde départ peut  être décalé et ainsi augmenter en pratique le délai pour agir.

Pour éviter des reports indéfinis, la réforme de 2008 a imposé un délai butoir de principe de 20 ans : le report du point de départ de la prescription ne peut pas permettre d’agir en justice plus de 20 ans après les faits (Article 2232 du Code civil).

La loi nouvelle a donné une définition uniforme du point de départ : le délai de prescription de droit commun court à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait du connaitre les faits lui permettant de l’exercer (Code civil, article 2224).

La jurisprudence illustre ce principe, par exemple en matière d’action en responsabilité contre un professionnel pour un manquement à son devoir de conseil.

Il a été jugé que l’action en responsabilité contre un expert-comptable pour des déclarations de taxe erronées, se prescrit à compter de la connaissance de cette erreur par la société qui fait appel au cabinet, et non à compter de la déclaration erronée.

On retrouve ici un raisonnement quelque peu similaire à celui qui prévaut en matière d’abus de bien social où la prescription de l’action publique court généralement à compter du moment où le plaignant ou le ministère public ont connaissance des faits qui leur permettent d’agir.

Si les faits à l’origine de l’action sont anciens de plus de cinq ans, il faut donc se poser la question du point de départ.

  • Comment s’arrête la prescription ?

Pour rappel en cas d’interruption, le délai est effacé et un nouveau délai débute tandis qu’en cas de suspension, le délai est temporairement arrêté et reprendra son cours.

La réforme a encadré les causes d’interruption et de suspension.

Une des principale cause d’interruption de la prescription extinctive est l’action en justice, même en cas de juridiction est incompétente ou de vice de procédure (Code civil, article 2241).

Par ailleurs, la loi nouvelle a "sécurisé" les mesures d’instructions judiciaires avant procès (pas les mesures amiables) puisque la prescription est suspendue à compter de l’ordonnance qui accorde la mesure d’expertise et la fin de cette mesure (Code civil, article 2239).

Mais là encore, il existe des pièges à éviter.

Par exemple, si l’action interrompt la prescription, la péremption de l’instance fait disparaitre cet effet interruptif (Code civil, article 2243) tout comme la caducité de l’assignation pour défaut de placement au greffe dans les délais. Il faut donc faire attention aux effets pervers des assignations conservatoires qui ont pour seul but d’interrompre la prescription.

On peut aussi noter que la Cour de cassation juge qu’une requête en injonction de payer, qui est une procédure courante (622 315 Injonctions de payer en France en 2011) 2, n’interrompt pas la prescription mais que c’est la signification de l'ordonnance d'injonction de payer qui a cet effet 3.
C’est donc une procédure à éviter lorsqu’on est proche de la fin du délai de prescription.

Yves Sexer - Marceau Avocats et  Jean-François Binet - Elève Avocat


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