Les deux équipes finalistes du premier tour des élections du barreau de Paris, Frédéric Sicard / Dominique Attias et David Gordon-Krief / Hubert Flichy, s'affrontaient hier sur Public Sénat.
Les deux tandems restant en lice à l'issue du premier tour des élections au barreau de Paris, Frédéric Sicard et Dominique Attias d'un côté, et David Gordon-Krief / Hubert Flichy de l'autre, s'affrontaient hier, mercredi 24 juin 2015, dans un débat sur Public Sénat. Morceaux choisis :
Politique de la garde des Sceaux
David Gordon-Krief : "Beaucoup de projets. Il faut partir d'un constat : peu de moyens pour la justice. Il y a beaucoup de déclarations : « on va faire ceci, on va faire cela ».On ne voit pas assez présent l'avocat au centre des réformes."
Frédéric Sicard : "On ne voit jamais suffisamment les avocats bien sûr. Dans les débats des derniers mois, les questions de justice ont échappé au ministre de la Justice. On n’est pas là pour apporter un satisfecit et dire il y a un bon point et là c'est moins bien. Mais quand on a vu passer la Loi Macron qui confiait le droit aux experts-comptables en l'enlevant aux avocats, c'est quand même absolument incroyable ! Je trouve que la garde des Sceaux nous a bien défendus mais quand on parle de justice, quand on parle d'avocats et de droit, on ne devrait pas oublier que cela se passe plutôt Place Vendôme et pas à Bercy. Quand c'est la ministre de la Justice qui s'occupe de justice c'est quand même nettement mieux géré que quand c'est le ministre de l'Economie qui s'occupe de faire du droit !"
Postulation
Hubert Flichy : "Il y a eu deux positions tout à fait opposées entre d'un côté Paris et de l'autre côté les régions. Pour Paris, avec les facilités de communication que nous avons, il était possible de plus facilement travailler à distance et de gérer les dossiers sans obligatoirement prendre un correspondant sur place. En province, la position a été de pouvoir assurer un certain maillage, c'est-à-dire qu'il y ait des avocats partout. Mon regret est que de ces positions, au lieu de trancher, d'organiser quelque chose à terme, on a préféré trouver une solution moyenne qui n'a pas beaucoup de sens. On a installé la postulation uniquement dans les cours d'appel si bien que le maillage ne sera pas forcément maintenu."
Frédéric Sicard : "Cette loi, c'est vraiment le projet qui tombe pile à côté parce que le ministre, au départ, veut faire européen. Il y avait une question européenne. Quand on fait de la postulation, il reste, dans le code de procédure, de tous petits droits, des petits pourcentages qui ne rapportent rien et qui ne sont pas européens. Ça, il fallait le supprimer et il fallait imaginer un véritable financement des frais de justice."
Interprofessionnalité
Frédéric Sicard : "L'interprofessionnalité, là encore, en Europe, c'est nécessaire. On a même la solution, l'Europe nous dit : « on ne va pas tout mélanger ». Au sein d'une même société, il peut y avoir deux métiers mais que les déontologies restent les mêmes. La vraie difficulté qu'il y a c'est qu'on a décidé d'autoriser le ministre à procéder à la création de sociétés interprofessionnelles mais que le gouvernement allait légiférer par voie d'ordonnance, mais qu'est-ce qui va tomber dans cette loi ? C'est une question vraiment importante. C'est la construction de l'avenir de la profession et alors on va décider de cela par voie d'ordonnance ! Quelle va être la conciliation ? Il faut que la démocratie sur des sujets pareils revienne sur la table."
David-Gordon-Krief : "Ce qui m'importe dans l'interprofessionnalité, c'est l'exercice quotidien des avocats. On a tous oublié l'énorme affaire Enron. De la confusion entre le chiffre et le droit. L'interprofessionnalité ça marche quand chacun reste dans son périmètre. Moi je peux travailler au quotidien avec un expert-comptable s'il fait du chiffre et si moi je fais du droit. Je peux travailler dans le monde de l'immobilier avec un notaire s'il fait ce qu'un notaire doit faire et si nous conservons cela. L'interprofessionalité, c'est chacun chez soi dans l'intérêt des entreprises et de nos concitoyens. Intransigeance par rapport aux experts-comptables ou autres qui veulent faire du droit."
Loi Macron
Frédéric Sicard : "Cela fait juste cinq mois que l'on est bien seuls sur le terrain à venir dire : attention, le ministre ne s'est pas rendu compte qu'il était en train de mélanger les chiffres. A Noël, il avait lancé un projet où il donnait le droit aux experts-comptables. Maintenant, on est tous d'accord".
David Gordon-Krief : "Cela fait une bonne dizaine d'années que j'y travaille. Ce n'est pas cinq mois ! Je préfère la continuité, la durée. J'ai eu le plaisir de piloter l'ensemble des professions libérales. L'idée était quoi ? Quand on discute avec nos interlocuteurs, les responsables des professions d'experts-comptables ou autres, ils veulent travailler mais pas empiéter et ça c'est important. Il faut un bâtonnier, un Président du CNB qui travaillent pour préserver la santé économique de nos cabinets".
La parité
Dominique Attias : "Nous sommes 54 % à Paris et dans toute la France. Au bout de 10 ans, les femmes avocates gagnent 60 % de moins que les hommes. Les femmes avocates ont leur rôle à jouer, il faut impérativement que les femmes avocates aient leur part dans les affaires aussi. (..) Qu'elles s'engagent aussi beaucoup plus dans les instances. Cela fait longtemps que je me bats pour qu'il y ait enfin de la parité. (...) Les bonnes intentions, les postures. Stop. On va se mettre à bosser. Les femmes et les hommes du barreau vont travailler de manière éthique ensemble."
Hubert Flichy : "Je ne sais pas si ma vie est une posture... Au cabinet où je suis, Flichy Grangé Avocats, il y a vingt associés dont 12 femmes. Je ne crois pas que ce soit une posture. David est aussi un modèle. C'est sans doute pour cela que nous faisons les choses ensemble..."
David Gordon-Krief : "C'est pour cela que l'on dit aux confrères que l'on est capables de faire et que l'on va leur montrer comment on fait."
Arnaud Dumourier (@adumourier)