Paris

13.8°C
Light rain Humidity: 83%
Wind: NE at 3.6 M/S

Marchés publics : nouveau seuil de dispense des formalités à 25 000 €

Vincent Brenot, Avocat-associé et Hélène Billery, avocat-counsel, du cabinet August & DebouzyVincent Brenot, Avocat-associé et Hélène Billery, avocat-counsel, du cabinet August & Debouzy reviennent sur le nouveau seuil de dispense des formalités dans les marchés publics.

Depuis 2006, le seuil de dispense des obligations formalisées de publicité et de mise en concurrence des marchés publics n’a cessé de varier : 4 000 €, 20 000 €, retour à 4 000 €, 15 000 € (pour les pouvoirs adjudicateurs) et 20 000 € (pour les entités adjudicatrices). Pour les marchés lancés à partir du 1er octobre 2015, tout marché ou accord-cadre de fournitures, de services et de travaux passés en application du code des marchés publics (CMP) et dont le montant estimé est inférieur à 25 000 euros HT peut désormais être passé sans publicité ni mise en concurrence préalables (décret n°2015-1163 du 17 septembre 2015 modifiant certains seuils relatifs aux marchés publics). Ce seuil concerne les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices, ainsi que les marchés de défense et de sécurité.

La mesure, qui devrait bénéficier avant tout aux PME, s’inscrit dans le cadre du « choc de simplification » annoncé par le gouvernement, et de la refonte du droit des marchés publics français dans le prolongement des directives européennes 2014/24/UE du 26 février 2014 relative à la passation des marchés publics (dite « secteurs classiques ») et 2014/25/UE relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux (dite « secteurs spéciaux »)

Poursuite de la simplification des marchés publics

Cette réforme s’inscrit dans le chantier de modernisation du droit de la commande publique du gouvernement, dont l’objectif majeur est d’atteindre 100% de marchés publics dématérialisés d’ici à 2018. La généralisation des « marchés publics simplifiés » (MPS) depuis le 1er novembre 2014 allégeait déjà considérablement les formalités de candidature aux marchés publics dématérialisés en permettant aux candidats de répondre avec leur seul numéro de SIRET.

Pour les marchés inférieurs à 25 000 euros, il s’agit d’une simplification de taille : dispense des formalités de publicité et de mise en concurrence préalables (art. 28, 40, 146, 203 et 212 du CMP), possibilité de se passer d’un contrat écrit (art.11), absence de notification obligatoire du marché avant le commencement de son exécution (art. 81 et 254). Il en résultera vraisemblablement un gain de temps et d’argent pour les acheteurs publics, notamment les collectivités territoriales qui pourront « faire plus d’achats locaux » (compte-rendu du Conseil des ministres du 16 septembre 2015).

Il est difficile d’évaluer le nombre exact des marchés publics qui bénéficieront du nouveau seuil. En prenant pour référence les chiffres publiés sur les marchés publics conclus en 2014 à travers la « Plateforme des AChats de l’Etat » (qui regroupe les annonces concernant les services des ministères, des opérateurs de l’Etat et des établissements publics administratifs), 32% des marchés publics seraient concernés, contre quelque 25% avant la réforme. Il s’agit cependant de moins de 1% du montant total des marchés recensés.

Une aubaine pour les PME ?

Selon le gouvernement, cette mesure est « en pleine cohérence » avec le plan « Tout pour l’emploi dans les TPE et les PME » qui annonçait, en juin 2015, une série de mesures pour lever les freins à l’emploi, développer l’activité, faciliter la création et la reprise, et alléger les formalités imposées aux TPE et PME. L’augmentation du seuil devrait à son tour faciliter l’accès des PME à la commande publique.

Lors de la consultation préalable, certaines voix (dont 4 des 12 PME participantes) ont exprimé leur crainte que la réforme ne favorise in fine le clientélisme sur les marchés publics à faible montant.

Si le risque ne peut a priori pas être totalement écarté, on relèvera que les acheteurs publics restent toutefois soumis aux principes fondamentaux de la commande publique (liberté d'accès à la commande publique, égalité de traitement des candidats et transparence des procédures). Ils doivent veiller à choisir une offre répondant de manière pertinente à leur besoin, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même prestataire lorsqu'il existe une pluralité d'offres potentielles susceptibles de répondre à leur besoin (art. 28, 146 et 203 du CMP). Cette réforme pourrait faire émerger une nouvelle typologie de contentieux, fondé sur le respect des principes mêmes de la commande publique plus que sur le formalisme supposé en garantir l’application.

Evolutions à attendre

Les directives « marchés publics » sont en cours de transposition, dont l’ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics est la première étape majeure qui conduira à remplacer le CMP et l’ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2015 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics. La fusion ainsi espérée aura pour effet de soumettre davantage d’acheteurs publics au code des marchés publics, ce qui va certes dans le sens d’un formalisme accru, mais également d’une unicité procédurale de nature à donner une meilleure visibilité aux entreprises candidates.

 

Vincent Brenot, associé, au cabinet August & Debouzy et Hélène Billery, counsel

 

Image

Actualisé quotidiennement, le Monde du Droit est le magazine privilégié des décideurs juridiques. Interviews exclusives, les décryptages des meilleurs spécialistes, toute l’actualité des entreprises, des cabinets et des institutions, ainsi qu’une veille juridique complète dans différentes thématiques du droit. De nombreux services sont également proposés : annuaire des juristes d’affaires, partenariats de rubriques (affichez votre expertise sur Le Monde du Droit), création d’émissions TV diffusées sur 4Change (Interviews, talkshows, chroniques...), valorisation de vos différentes actions (deals, nominations, études, organisations d’événements, publication de contributions, récompenses, création de votre cabinet...)