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Agir contre les discriminations hommes-femmes dans un cabinet d'avocats

Xavier CHASSIN DE KERGOMMEAUX

Xavier Chassin de Kergommeaux, Avocat au Barreau de Paris, associé Gide, revient sur son action en faveur de l’égalité Hommes-Femmes.

Sur invitation de Caura Barszcz (Juristes & associés), j’ai eu le plaisir d’intervenir le 15 septembre dernier au Groupe Femmes qu’elle anime, composé de femmes associées de grandes ou moyennes structures. L’objectif était d’exposer aux 36 Avocates présentes, les mesures prises pendant les 6 ans où j’ai été Associé Gérant/Managing Partner de Gide (2004 -2009). Témoigner de mon action pour l’égalité Hommes-Femmes, alors que Gide a une réputation tenace de misogynie, pouvait paraître provoquant. Mais l’objectif était précisément d’exposer les actions engagées pour faire évoluer les mentalités et obtenir des résultats.

Un constat initial hérité du passé

A peine nommée Ministre du Commerce Extérieur en 2005, Christine Lagarde avait dit et répété qu’au début de sa carrière, elle avait été reçue chez Gide en vue d’une première collaboration et s’était fait dire qu’en tant que femme, elle n’avait aucune chance de devenir associée du Cabinet. Gide avait beaucoup évolué depuis lors mais la proportion des femmes associées restait très minoritaire au 1er janvier 2004 (5 associées, soit moins de 6 % du total des associés mondiaux).

Une  initiative pour faire progresser l’égalité

Mon action s’est structurée autour de deux axes : (1) la rémunération des Avocates collaboratrices et (2) leurs perspectives d’association.

Concernant les rémunérations, les inégalités hommes-femmes étaient rares et résultaient principalement d’augmentations moindres accordées à des collaboratrices à la suite de congés maternité ou d’absence prolongées, sans rattrapage depuis lors. J’ai mis en œuvre une remise à niveau des cas concernés, en adoptant une grille de rémunération en fonction de l’ancienneté et en imposant le principe d’une non-discrimination financière du fait d’éventuels congés-maternité.

Le principal problème concernait donc la carrière des collaboratrices et leurs perspectives d’association. Les femmes constituaient depuis plus de 10 ans la majorité des embauches mais les collaboratrices en âge d’être associées restaient rares et n’étaient pas toujours les plus performantes de leur classe d’âge, les meilleures ayant souvent quitté le Cabinet avant d’arriver en position d’être associées. Un examen de la pyramide des âges des collaborateurs/collaboratrices a mis en évidence les départs massifs de ces dernières au-delà de 5 ans d’ancienneté. Les raisons officielles invoquées par les partantes (rythme de vie, famille, réorientation de carrière…) auraient permis au Cabinet de se donner bonne conscience mais ne suffisaient à l’évidence pas à justifier pareille hémorragie. Nous avons alors découvert les ravages du « plafond de verre », bien connu aujourd’hui mais moins à l’époque. Concrètement, les collaboratrices quittaient le Cabinet parce qu’elles étaient convaincues qu’elles n’avaient aucune chance d’être associées, alors même que l’état d’esprit de l’association avait radicalement changé depuis la caricature décrite par Christine Lagarde.

Les mesures mises en œuvre ont consisté principalement (1) à affirmer, collectivement et clairement, que les collaboratrices avaient comme les collaborateurs vocation à devenir associées dès lors que leurs performances le justifiaient, (2) à organiser des « groupes femmes » destinés relayer ces affirmations et à éradiquer les croyances limitantes de certaines collaboratrices (« je n’y arriverai jamais ! », « j’aimerais bien mais ce n’est pas fait pour moi », etc.) et (3) plus récemment, à organiser des réunions avec des clientes à hautes responsabilités et des sessions consacrées au développement personnel des Avocates.

Des résultats encourageants

Le système de répartition des profits au sein de Gide obéit à la règle du « locked step ». Ce système très égalitaire fait que, quelle que soit la performance d’un associé, sa rémunération est identique à celle des associés de même ancienneté dans l’association. Un tel système interdisait la cooptation d’associées « au rabais », comme cela s’est vu dans certains autres cabinets aux statistiques plus flatteuses mais qui, concrètement, ne réservent aux femmes associées que des rémunérations réduites et aucune place réelle dans la gouvernance du cabinet concerné.

La mise en place d’une politique de long terme, destinée à motiver et accompagner les collaboratrices en vue de conduire les meilleures d’entre elles à l’association, a commencé à payer : (1) la proportion des femmes associées a progressé (14 associées au 1er janvier 2016, soit plus de 15% des associés mondiaux), (2) 3 des 6 nouveaux associés mondiaux cooptés en 2014 et 2015 sont des femmes (50%) et (3) une associée est membre du Comité exécutif, composé de 5 membres. Ce n’est certes pas la parité, mais nous allons vers l’équité et je suis fier de ma contribution à ce résultat.

Xavier Chassin de Kergommeaux, Avocat au Barreau de Paris, associé Gide, Candidat au Conseil de l’Ordre (élections des 15 et 16 décembre 2015)

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