En s'abstenant d'alerter le tiré sur l'anomalie apparente constituée par l'ajout d'un second bénéficiaire sur le chèque, la banque tirée le prive de la possibilité de faire opposition au paiement.
Des époux ont remis un chèque d'acompte d'un montant de 19.250 € à l'ordre de l'entreprise à laquelle ils avaient commandé l'installation d'une cuisine. Ce chèque a finalement été encaissé sur le compte personnel de l'épouse du gérant de l'entreprise, dont la qualité de bénéficiaire avait été ajoutée sur le chèque.
Les travaux n'ayant pas été réalisés, les tireurs ont recherché la responsabilité de la société ainsi que celle de la banque tirée, à laquelle ils reprochaient d'avoir payé le chèque en dépit de l'anomalie apparente constituée par l'ajout du nom d'un second bénéficiaire. De son côté, la banque a assigné en intervention forcée le gérant de l'entreprise, entre-temps placée en liquidation judiciaire, et son épouse.
Pour écarter la responsabilité de la banque, la cour d'appel de Paris a retenu que les tireurs ne démontraient pas qu'à supposer établie la faute qui lui était reprochée, l'entreprise aurait, au regard de sa situation financière, été en mesure de réaliser les travaux commandés après perception de l'acompte.
Dans un arrêt rendu le 17 juin 2020 (pourvoi n° 18-18.629), la Cour de cassation censure ce raisonnement : les juges du fond auraient dû rechercher si le préjudice constitué par le débit injustifié du compte des tireurs de la somme de 19.250 € n'avait pas pour cause directe le défaut de vigilance de la banque qui, en s'abstenant de les alerter sur l'anomalie apparente constituée par l'ajout d'un second bénéficiaire sur le chèque litigieux, les avait privés de la possibilité de faire opposition.
L'arrêt est donc cassé au visa de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article 1937 du même code.