M. S., journaliste polonais, tenant une rubrique dans une édition régionale polonaise, a publié un article très critique et violent au sujet de certains immeubles de la ville réalisés par M. J., architecte sous l'ère soviétique, critiquant, par exemple, leur "laideur" et leur "esthétique pourrie du bolchevisme". M. J. a alors engagé contre M. S. une action en protection de sa bonne réputation. La justice polonaise condamna alors M. S. à publier dans son journal un message d’excuses à M. J., au motif que l’article, écrit sur un ton moqueur et ironique, avait porté atteinte à l’honneur et à la bonne réputation de M. J., que l’article se moquait de la contribution intégrale de l’architecte à l’aspect urbanistique alors que cet apport était reconnu et apprécié, que le journaliste avait outrepassé la limite de la critique légitime et que l’impression qui se dégageait de son article permettait de conclure à une atteinte à l’honneur de son adversaire.
Soutenant qu’en tant que personnalité publique, son adversaire devait faire preuve de tolérance et supporter la critique de son œuvre elle aussi publique et que l’opinion qu’il avait exprimée s’inscrivait dans un débat mené depuis 2002 par les lecteurs du quotidien et les internautes autour de l’image urbanistique de la ville, image qui, selon lui, était jugée très négativement par les habitants de la ville, M. S. saisit la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).
Dans un arrêt du 16 octobre 2012, celle-ci observe d’abord que l’article s’inscrivait bien dans un débat et un échange entre les lecteurs du quotidien et les internautes sur la question de l’aspect urbanistique de la ville, donc une question d’intérêt général, domaine où les restrictions à la liberté d’expression doivent être strictement encadrées.
S’agissant de la nature des propos tenus, la Cour estime que les tribunaux polonais n’ont pas assez tenu compte du contexte et du caractère de l’article.
S’agissant du ton de l’article, la Cour rappelle que la presse, qui a le devoir s’exprimer sur les sujets d’intérêt public, peut parfaitement recourir à une certaine dose (...)