Dominique Stucki est l’auteur de l’ouvrage "Financer une entreprise par le crowdfunding : les nouvelles règles du Crowdinvesting" paru aux Editions Eyrolles et Revue Banque en septembre 2014 et ayant reçu le Prix du Livre Juridique des Professions Financières 2014 lors du Salon du Livre Juridique "Place au droit". Il répond aux questions du Monde du Droit sur le "crowdfunding".
Comment se définit le crowdfunding ?
Il n’existe aucune définition légale du crowdfunding (ou finance participative). Traditionnellement, cette expression désigne un mode de financement d’un projet (entrepreneurial, artistique, environnemental, humanitaire etc.) réalisé auprès d’un large public avec participation directe des investisseurs à sa sélection et se caractérise par une forte dimension affective dans le choix des initiatives financées et l’utilisation du canal Internet pour la présentation du projet et la collecte.
On y distingue plusieurs segments, parmi lesquels :
- le crowdinvesting qui désigne le mode de financement long terme de sociétés en actions ou en obligations ;
- le prêt ;
- le don simple ou le don contre récompense, lequel est, en réalité, souvent de la pré-vente.
Vous avez participé aux travaux sur la réforme du crowdfunding, quel bilan faites-vous de cette réforme ?
Avec l’entrée en vigueur le 1er octobre 2014 de l’Ordonnance du 30 mai 2014, les intermédiaires français se déclarent globalement satisfaits de la reconnaissance légale dont ils disposent désormais et qui leur confère la légitimité dont ils ont besoin pour développer leur activité. L’Ordonnance a institué deux nouveaux statuts réglementés : celui de conseiller en investissements participatifs (CIP) pour le financement en capital ou en obligations et celui d’intermédiaire en financement participatif (IFP) pour les plateformes de prêt et certains sites de dons. Ce faisant, elle a créé une brèche dans le monopole des prestataires de services d’investissement sur le conseil en investissement et au monopole des établissements de crédit sur le prêt. Le texte met l’accent sur la protection des investisseurs en imposant, d’une part – ce qui semble conforme à l’approche des autres pays européens (1) - des obligations très étendues de transparence à leur égard (sur le projet à financer, sur le positionnement de l’intermédiaire, sur les coûts induits par l’opération et sur les risques), d’autre part – ce qui distingue la réglementation française de la vision d’autres pays - une responsabilité étendue de la plateforme sur le choix de l’investissement (CIP) ou un plafonnement du montant unitaire versé par un internaute (IFP). L’approche française a le mérite de limiter les risques de pertes et de contribuer ainsi à asseoir la confiance du grand public. Toutefois, pour permettre à nos plateformes d’atteindre rapidement un modèle économique rentable et de rivaliser avec les concurrents d’autres pays (européens, américains et asiatiques), une réflexion devra rapidement s’engager sur certaines formes possibles de libéralisation du secteur.
Existe-t-il encore des obstacles au développement du crowdfunding ?
Face à la progression spectaculaire du crowdfunding dans certaines zones du monde, un développement rapide et pérenne de la finance participative en France suppose la réunion de nombreuses conditions qui concernent tant la qualité intrinsèque des services des plateformes elles-mêmes (pertinence de l’offre et adaptation à la typologie de clientèle visée, sécurisation des paiements etc.) que l’évolution réglementaire sur des sujets variés aux plans national (élargissement du domaine et du volume du prêt peer-to-peer et peer-to-business, démarchage bancaire et financier etc.) et européen (clarification de la dérogation aux monopoles des banques et des PSI et du rôle des plateformes, revue du dispositif de commercialisation à distance des services financiers, encadrement des règles de rémunération des intermédiaires par les porteurs de projet etc.).
Propos recueillis par Arnaud Dumourier
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(1) L’auteur est impliqué dans la rédaction du Code de bonne conduite de l’European Crowdfunding Network
A propos
A travers son ouvrage pédagogique et opérationnel, Dominique Stucki offre à tous les actuels et futurs acteurs du crowdfunding les moyens d’en comprendre à la fois les mécanismes financiers et le corpus réglementaire en pleine ébullition, avec une vision globale et synthétique des contraintes entrepreneuriales et de la réglementation financière.