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"La postulation est remise en question par la Loi Macron alors qu'elle permet de maintenir de l'activité judiciaire"

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Les représentants de la profession d'avocat craignent la désertification des territoires avec l'extention de la postulation à l'ensemble des TGI du ressort de la Cour d'appel. La perte nette du chiffre d'affaires est évaluée à 52 millions d'euros par an.

Pascal Eydoux, Président du Conseil national des barreaux (CNB) et Marc Bollet, Président de la Conférence des bâtonniers ont tenu une conférence de presse jeudi 2 avril 2015 pour exprimer les inquiétudes de la profession d'avocat face à la réforme de la postulation introduite par la loi dite "Macron" (Projet de loi sur la croissance et l'activité) et expliquer quelles graves conséquences sur l’accès au droit aura l’élargissement de la postulation au ressort des cours d’appel, tel que prévu par le projet de loi qui sera discuté en séance publique à partir du 7 avril au Sénat.

"La postulation est remise en question par la Loi Macron alors qu'elle permet quels que soient les barreaux, leur effectif, leur localisation, de maintenir de l'activité judiciaire"

Pour le Président du CNB, il ne s'agit pas d'une intervention corporatiste mais "la postulation est remise en question par la Loi Macron alors qu'elle permet quels que soient les barreaux, leur effectif, leur localisation, de maintenir de l'activité judiciaire". Il a exprimé la crainte des barreaux de la désertification des territoires :  "si la loi allait jusqu'au bout de ce qui est prévu, il est à craindre que les barreaux se désertifient et que notamment, l'ensemble des obligations qui sont celles des avocats mais également l'ensemble des obligations qui sont celles des pouvoirs publics de permettre à chaque citoyen d'accéder au droit seraient remises en cause puisqu'on ne retrouverait plus la présence pertinente des avocats au service des citoyens."
Selon lui, seuls les avocats sont légitimes à dénoncer les conséquences de l’élargissement de la postulation sur le maillage territorial, "ce ne sont pas nos amis notaires qui peuvent le faire. Pour des raisons d'opportunité, ils s'ingénient à penser qu'ils sont des acteurs locaux de proximité de droit. Ils ne le sont pas en termes judiciaires", a-t il lancé. 
Enfin, Pascal Eydoux a critiqué la vision économique du gouvernement sur cette question : " c
e qui est certain c'est que les pouvoirs publics vont, à force de considérer que la gestion du judiciaire est une gestion économique entraver l'exercice du droit au profit de chacun de nos concitoyens. Et çà c'est une conséquence grave".

Perte de chiffres d'affaires, désertification des territoires et difficultés d'assurer la défense pénale

De son côté, Marc Bollet a insisté sur les effets de la loi qui sont "lourds en ce qui concerne la fragilisation économique d'un certain nombre de cabinets d'avocats." mais aussi sur la déstructuration des organisations (barreaux, Carpas) qui vont souffrir d'une diminution de leurs ressources. C'est l'équilibre territorial qui garantit l'accès du droit à tous qui est ainsi mis en péril. Une étude d'impact commandée par le CNB a chiffré cette perte de chiffre d'affaire à 52 millions d'euros par an.

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Ce que les barreaux redoutent, c'est de ne plus pouvoir assurer leurs missions. Ainsi, Fabrice Posta, Bâtonnier de Vienne a précise qu'avec l’élargissement de la postulation, les clients institutionnels (banques et compagnies d’assurances) qui travaillaient avec un cabinet dans chaque ressort du TGI ne travailleraient plus qu’avec le cabinet de Grenoble.  Cela entraînera des diminutions de personnel et une diminution du nombre d’avocats.
Il est aussi difficile d'assurer la défense pénale comme l'explique Emmanuel Laumière, bâtonnier de Coutances qui a raconté la disparition du TGI d’Avranches et la fusion des deux barreaux.
Valérie Robert, bâtonnier de Dunkerque est revenue sur la fusion des barreaux de Dunkerque et Hazebrouck et a déclaré qu'elle gère "la désertification dans l’ancien ressort du barreau d’Hazebrouck".
En ce qui concerne la multipostulation, Marie-Christel Goubet, bâtonnier d’Alès, a témoigné de l'expérimentation à Nîmes. Elle a notamment fait part de la concurrence accrue avec les cabinets nîmois et de la paupérisation du barreau. 
Enfin, sur ce sujet, "Paris est parfaitement solidaire de l’ensemble des barreaux de France" a indiqué Jean-Bernard Thomas, vice Président du CNB et représentant du barreau de Paris.

"Nous allons finir par dire à l'Etat, vous reprenez le dossier de l'aide juridictionnelle."

Les représentants de la profession d'avocat ont révélé que les sénateurs ont été plus à l'écoute de leurs arguments que les députés. Ils ont proposé une expérimentation de l'élargissement de la postulation sur trois ans mais le "ministre n'en pas pas voulu". Pascal Eydoux a prévenu : " Nous allons finir par dire à l'Etat, vous reprenez le dossier de l'aide juridictionnelle.". 

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