L'indemnisation, par un poste de préjudice autonome, du préjudice d'angoisse de mort imminente d'une victime qui a survécu ne peut donner lieu à cassation que si ce préjudice a été indemnisé deux fois, en violation du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.
Une aide-soignante exerçant dans un hôpital a été agressée par un patient qui lui a porté 14 coups de couteau. Celui-ci a été déclaré pénalement irresponsable.
La victime a assigné l'assureur de son agresseur à fin d'indemnisation et appelé en cause la CPAM du Finistère.
La cour d'appel de Rennes a condamné l'assureur à verser à la victime la somme de 10.000 € au titre du préjudice d'angoisse et de sensation de mort imminente et constaté que la somme lui restant due était de 99.580,16 €.
Les juges du fond ont constaté que l'indemnisation des souffrances endurées par l'aide-soignante, quantifiées à 4/7 par l'expert, avait pris en compte celles qui étaient liées aux lésions consécutives à la multiplicité des plaies par arme blanche qu'elle avait présentées, mais qu'il ne pouvait être considéré, sans précision sur ce point donnée par l'expert, que le vécu douloureux, moral et psychologique qu'il rapportait, englobait aussi la sensation particulière éprouvée par la victime de sa fin prochaine.
L'assureur s'est pourvu en cassation, soutenant que l'indemnisation du préjudice d'angoisse de mort imminente consistant pour la victime décédée à être demeurée, entre la survenance du dommage et sa mort, suffisamment consciente pour avoir envisagé sa propre fin, est subordonnée au décès de la victime directe.
La Cour de cassation rejette cet argument dans un arrêt du 11 juillet 2024 (pourvoi n° 23-10.068).
Elle rappelle en effet que dans le cas où la victime a survécu, le préjudice d'angoisse de mort imminente se réalise dès qu'elle a conscience de la gravité de sa situation et tant qu'elle n'est pas en mesure d'envisager raisonnablement qu'elle pourrait survivre.
Ce préjudice en cas de survie se rattache au poste des souffrances endurées, qui indemnise toutes les souffrances physiques et psychiques, quelles que soient leur nature et leur intensité, ainsi que les troubles associés qu'endure la victime à compter du fait dommageable et jusqu'à la consolidation de son état de santé.
Cependant, son indemnisation par (...)