La disposition de la Directive antiblanchiment prévoyant que les informations sur les bénéficiaires effectifs des sociétés constituées sur le territoire des Etats membres soient accessibles dans tous les cas à tout membre du grand public est invalide car l’ingérence dans les droits garantis par la Charte que comporte cette mesure n’est ni limitée au strict nécessaire ni proportionnée à l’objectif poursuivi.
Dans un arrêt du 22 novembre 2022 (affaires jointes C-37/20 et C-601/20), la Cour de justice de l'Union européenne, réunie en grande chambre, constate l’invalidité, au regard de la Charte des droits fondamentaux de l'Union europénne, de la disposition de la directive antiblanchiment (directive 2015/849 du 20 mai 2015) prévoyant que les Etats membres doivent veiller à ce que les informations sur les bénéficiaires effectifs des sociétés et autres entités juridiques constituées sur leur territoire soient accessibles dans tous les cas à tout membre du grand public.
Selon la Cour, l’accès du grand public aux informations sur les bénéficiaires effectifs constitue une ingérence grave dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, respectivement consacrés aux articles 7 et 8 de la Charte.
En effet, les informations divulguées permettent à un nombre potentiellement illimité de personnes de s’informer sur la situation matérielle et financière d’un bénéficiaire effectif.
En outre, les conséquences potentielles, pour les personnes concernées, résultant d’une éventuelle utilisation abusive de leurs données à caractère personnel sont aggravées par le fait que, une fois mises à la disposition du grand public, ces données peuvent non seulement être librement consultées, mais également être conservées et diffusées.
Cela étant, par cette mesure, le législateur de l’Union vise à prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, en mettant en place, au moyen d’une transparence accrue, un environnement moins susceptible d’être utilisé à ces fins. Le législateur poursuit ainsi un objectif d’intérêt général susceptible de justifier des ingérences, mêmes graves, dans les droits fondamentaux consacrés aux articles 7 et 8 de la Charte, et que l’accès du grand public aux informations sur les bénéficiaires effectifs est apte à (...)