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Précisions jurisprudentielle sur la liberté d'établissement des avocats

L'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 relatif  aux modes d'exercice de la profession d'avocat est conforme aux dispositions de droit européen relatives à la liberté d'établissement des avocats.

Par une convention d'occupation précaire, une société civile de moyens (SCM) d'avocats a permis à l'un de leurs confrères, Me Z. d'établir son domicile professionnel dans des locaux qui ont été mis gratuitement à sa disposition pour lui permettre, notamment, de recevoir sa clientèle. Par lettre adressée à M. Y., gérant de la SCM, M. Z. a déclaré prendre acte de la rupture de leur relation née d'une convention qui, selon lui, devait être qualifiée de contrat de travail, affirmant avoir perçu une rémunération inférieure aux minima prévus par la convention collective applicable aux avocats salariés. Le bâtonnier ayant débouté M. Z. de ses prétentions, il a saisi la cour d'appel d'Angers, ajoutant à ses griefs le moyen de ce que l'article 7, alinéa 4, de la loi du 31 décembre 1971 serait contraire aux dispositions de droit européen relatives à la liberté d'établissement des avocats.

Dans un arrêt du 24 avril 2012, la cour d'appel a rejeté ses demandes, au motif que l'article 7, alinéa 4, de la loi du 31 décembre 1971 n'est pas contraire aux dispositions de droit européen relatives à la liberté d'établissement des avocats et que la convention d'occupation précaire ne constitue pas un contrat de travail.

M. Z. se pourvoit en cassation, soutenant premièrement que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a estimé, dans un arrêt du 2 décembre 2010, que l'article 8 de la directive du 16 février 1998, modifiée notamment par la directive du 20 novembre 2006 permettait à un État membre d'accueil d'imposer aux avocats inscrits et employés - que ce soit à temps plein ou à temps partiel - notamment par un autre avocat des restrictions sur l'exercice concomitant de la profession d'avocat et de cet emploi, pourvu que ces restrictions n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif de prévention des conflits d'intérêts et s'appliquent à l'ensemble des avocats inscrits dans l'État membre. En l'espèce, l'article 7, alinéa 4, de la loi de 1971 précitée institue une restriction disproportionnée à l'exercice de la profession d'avocat à titre individuel en ce qu'il prévoit l'impossibilité, pour un avocat salarié, d'avoir une clientèle personnelle.
Deuxièmement, en prévoyant l'impossibilité pour un avocat salarié d'avoir une clientèle personnelle, les dispositions de la loi de 1971 précitées portent atteinte aux biens de ce dernier et sont contraires aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.
Enfin, l'interprétation jurisprudentielle du texte contesté n'est pas conforme au principe de sécurité juridique dans la mesure où, en se fondant sur le critère du caractère "dérisoire" des dossiers traités pour autoriser la requalification d'un contrat de collaboration libérale en contrat de travail, elle favoriserait les divergences de jurisprudence. 

La Cour de cassation rejette le pourvoi.
Dans un arrêt du 24 avril 2013, elle retient que la disposition contestée a pour objet, non d'autoriser l'exercice concomitant de la profession d'avocat et d'un autre emploi, mais uniquement d'autoriser le collaborateur de cabinet à exercer la profession d'avocat en exécution d'un contrat de travail avec des restrictions inhérentes au salariat. Elle exclut, par là même, toute atteinte disproportionnée portée par l'article 7, alinéa 4, de la loi du 31 décembre 1971 au droit d'exercer la profession d'avocat.
Au surplus, la disposition contestée n'a ni pour objet ni pour effet de priver l'avocat ayant fait le choix d'exercer en qualité de salarié de son droit de propriété sur une clientèle.
La Cour juge également qu'elle est respectueuse du principe de sécurité juridique consacré par la Convention européenne des droits de l'homme.
Enfin, le demandeur était inscrit à l'Urssaf en qualité de travailleur indépendant, sa rémunération lui était versée soit directement par des clients soit par rétrocession d'honoraires selon un mode habituel en cas de collaboration libérale, et il se présentait aux clients sans la moindre mention de sa qualité de salarié, ce qui exclu l'existence d'un contrat de travail en l'absence d'éléments suffisamment probants produits par le requérant.

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