Le préjudice de carrière, le préjudice économique et les préjudices accessoires, toutes causes confondues, ne peuvent faire l’objet d’une indemnisation de la suppression du monopole des avoués.
La loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d’appel a supprimé le monopole des avoués, procédé notamment à leur intégration dans la profession d’avocat et fixé les règles et la procédure d’indemnisation applicables.
Ayant refusé l’offre d’indemnisation qui leur avait été notifiée par la commission prévue à l’article 16 de la loi, une société civile professionnelle, précédemment titulaire d’un office d’avoué près la cour d’appel de Caen, en liquidation amiable (la SCP), et les anciens avoués associés de la SCP, ont saisi le juge de l’expropriation en paiement de diverses indemnités.
Le 2 avril 2015, la cour d’appel de Paris les a débouté de leurs prétentions et notamment les anciens avoués de leur demande d’indemnité au titre de la suppression de la profession.
Elle a cependant accueilli la demande d’indemnité de remploi et les demandes d’indemnités pour frais d’archivage et charges ordinales formées par la SCP, jugeant qu'elles sont directement liés à la suppression du droit de présentation.
Le 6 juillet 2016, la Cour de cassation a partiellement cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel, au visa de l’article 62, alinéa 3, de la Constitution, ensemble l’article 13, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 2011 et l’article 1er du Protocole n° 1 additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme (Convention EDH).
Elle a rappelé qu’aux termes du premier de ces textes, les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et qu’il résulte du deuxième que les avoués près les cours d’appel en exercice à la date de la publication de la loi du 25 janvier 2011 ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation.
Elle a ajouté que, selon la décision du Conseil constitutionnel du 20 janvier 2011, le préjudice de carrière, le préjudice économique et les préjudices accessoires, toutes causes confondues, étant indirects et incertains, ne peuvent être indemnisés, sans que soit méconnue l’exigence de bon emploi des deniers publics et créée une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.
Elle a par ailleurs décidé, au visa des articles 62, alinéa 3, de la Constitution, ensemble l’article 13, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 2011 et l’article 1er du Protocole n° 1 additionnel à la Convention EDH, que toute demande d’indemnisation du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires, toutes causes confondues, dont la survenance est imputée à la loi, se heurte à l’autorité attachée à la décision du Conseil constitutionnel précitée.
En l'espèce, la Cour de cassation a considéré, au visa de ce qui précède que, dès lors que le préjudice direct, matériel et certain qui doit être intégralement indemnisé, en application de l’article L. 13-13 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dans sa version applicable en l'espèce, ne peut être constitué par l’un ou l’autre de ces chefs de préjudice, la cour d’appel a eu raison de refuser d’accueillir la demande d’indemnisation au titre de préjudices de même nature invoqués par les avoués.
Elle a donc conclu que la cour d’appel a légalement justifié sa décision en jugeant que les avoués n’avaient pas supporté de charge disproportionnée en n’obtenant pas la réparation des divers préjudices par eux imputés à la loi, dont l’absence d’indemnisation était, de surcroît, fondée sur leur caractère indirect et incertain.