Reprise d’activité post-COVID des huissiers de justice et accompagnement des entreprises

Commissaires de justice
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À l’instar de la plupart des conseils juridiques, les huissiers de justice ont connu un arrêt brutal de leur activité au début de la crise sanitaire. Passé le temps de l’adaptation, l’heure est aujourd’hui à la reprise et au soutien des entreprises. Patrick Sannino, Président de la Chambre nationale des commissaires de justice, revient sur l’année écoulée et dresse le bilan de cette profession dorénavant tournée vers l’avenir.

Une profession brutalement mise à l'arrêt...

Comme pour tous les professionnels du droit, l’arrêt brutal de l’activité des juridictions s’est répercuté sur les études d'huissiers de justice dès mars dernier. Avec une activité civile également peu présente dans les plans de continuation de l’activité (PCA) des juridictions, les huissiers de justice, qui sont essentiellement des acteurs de la procédure civile et de la procédure civile d’exécution, ont donc subi un choc très brutal, avec un arrêt quasi complet de l’activité.

Les huissiers de justice ont été à la hauteur de leur mission de service public et ont continué à signifier les actes qui devaient ou pouvaient l’être, spécialement les actes pénaux, à la demande des tribunaux. Mais il a fallu s’adapter à la nouvelle donne sanitaire et mettre au point un protocole pour une signification à personne « sans contact » et qui consistait en un respect strict des consignes sanitaires.

La Chambre a aussi insisté auprès de la Chancellerie pour adapter le dispositif de signification par voie électronique, qui existe depuis 2012, et le rendre plus performant, plus accessible. Nous avons proposé de "brancher" l’application développée par les services de la Chambre, Securact, sur France Connect.

Certaines études comptent principalement des clients institutionnels qui représentent rarement moins de 20 % et 30 % de leur chiffre d’affaires. L’Urssaf par exemple est un client très exigeant, dont le process de "monitoring" des études est très performant et qui travaille par conventionnement. Les bailleurs sociaux également, en raison là aussi de la volumétrie des dossiers transmis, peuvent représenter une part importante du CA de certaines études. Ces études ont été celles le plus durement touchées par la pandémie, en raison de la suspension du recouvrement forcé et des expulsions. À l'inverse, celles qui "résistaient" étaient celles qui avaient une typologie de clients diversifiée, souvent des études de moindre taille et aux missions variées : signification d’actes détachés, exécution, constat, conseil, etc.

Côté aides financières, les études ont pu bénéficier des aides mises en place pour les entreprises : chômage partiel, prêts garantis par l’État, fonds de solidarité, toutes ces mesures ont été plébiscitées par la profession qui y a massivement eu recours afin d’amortir le choc d’activité lié au Covid. La Chambre nationale, de son côté, a décidé de l’abandon de plus de 13 millions d’euros de cotisations et contributions professionnelles pour l’année 2020 afin de soulager au maximum la trésorerie des études.

Qui a su se réinventer et revient plus présente auprès des entreprises en difficultés

Déjà fortement tournée vers une digitalisation de la profession, la Chambre nationale a su, pendant la crise, adapter un certain nombre de ses missions au numérique et lancer des solutions simplifiant les démarches de particuliers et surtout de professionnels confinés et empêchés par la crise.

L'ouverture de la plateforme Securact donc, mais aussi, durant le premier confinement le lacement d'Urgence médiation via l’association Médicys, qui proposait une plateforme de médiation gratuite durant la période. Nous continuons à avancer dans la direction de la médiation qui est une piste de développement économique pour les huissiers de justice et une corde supplémentaire à leur arc, en cohérence avec leur cœur de métier : l’exécution.

Nous avons également réfléchi à la manière dont les huissiers de justice pouvaient s’impliquer et accompagner les entreprises à redémarrer leur activité. La question de la mise en conformité des commerces et des entreprises aux normes sanitaires a constitué un véritable enjeu dans la période. Le choc du confinement ayant été brutal, il fallait aider les entreprises et les commerces à créer de la confiance parmi nos concitoyens pour favoriser la reprise. C’est pour cela que nous avons proposé l’initiative legalpreuve et son constat "reprise d’activité" pour lequel nous avons formé les huissiers de justice. Par la suite, nous avons également proposé, toujours via legalpreuve, un constat "nuisance sonore" car nous nous sommes aperçus que cette question était devenue essentielle avec la généralisation du télétravail.

Dernier exemple en date : depuis le 1er avril 2021, la procédure de saisie-attribution est entièrement dématérialisée. Ce succès a d’abord été un chantier colossal, qui nous a occupé pendant plusieurs années. Cela montre aussi, et c’est un message que je souhaite adresser à mes homologues, que la dématérialisation, royaume du "toujours plus vite", est aussi un processus au long cours qui nécessite une vraie vision, une planification et un suivi sans faille. Entre le moment où l’on décide de la dématérialisation d’une procédure et le moment où cela advient, il se passe plusieurs années, semées d’embûches… Il faut beaucoup de volontarisme !

Désormais, nos efforts se tournent vers le recouvrement amiable et la médiation. La reprise économique et la fin progressive, au cours de l’année 2022, des mesures d’aides aux entreprises vont s’accompagner d’une augmentation du contentieux pour impayés (entre professionnels ou de particuliers à professionnels). Les huissiers de justice seront présents pour aider et accompagner les entreprises déjà fortement fragilisées par cette période sans précédent.

Patrick Sannino, Président de la Chambre nationale des commissaires de justice


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