L'application StopCovid ne peut se résumer à un débat manichéen

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Tribune du Comité JUREM (Juristes en Marche).

 

Le Gouvernement envisage de déployer "StopCovid", une application de "recherche de contacts" (ou "contact tracing"), qui permettra d'alerter, via leur téléphone portable, celles et ceux qui sont entrés en contact avec des personnes positives au Covid-19.

"StopCovid", dont le lancement est prévu le 2 juin, est actuellement en phase de test.

Son utilisation, qui repose sur le volontariat, a suscité quelques indignations et, parfois même, l'expression de certaines contre-vérités.

Il nous semblait donc opportun de rappeler le contexte ayant conduit à la conception de cette application pragmatique, ainsi que la nécessité de pouvoir la déployer, au même titre que tout autre moyen de lutte contre l'épidémie qui préserverait nos libertés fondamentales.

La question de la proportionnalité

Pourquoi donc utiliser une application de contact tracing au pays des droits de l'Homme ? La réponse à cette question se trouve dans la nécessité de garantir la sécurité, non pas uniquement individuelle, mais aussi collective.

Contestant le besoin de garantir cette sécurité, certains critiques de l'application se sont évertués à reprendre la célèbre citation de Benjamin Franklin, selon laquelle : « celui qui sacrifie sa liberté à la sécurité ne mérite ni l'une, ni l'autre, et finit par perdre les deux ».

Outre le fait que Benjamin Franklin, malgré tout son talent, pouvait difficilement prévoir la création de smartphones ou l'émergence d'une pandémie dans un monde où internet permet de se connecter, en quelques clics, à l'autre bout de la planète, cette application ne porte pas atteinte, selon nous, à notre liberté individuelle, dans la mesure où elle est conforme au principe de proportionnalité.

En l'espèce, le déploiement de StopCovid obéit à une mission d'intérêt public : l'identification des personnes contaminées, afin de limiter la propagation du virus.

Dès lors que l'usage de l'application StopCovid sera limité dans le temps, celle-ci n'ayant pas vocation à rester disponible au-delà de la crise sanitaire, et que toute donnée collectée sera supprimée à l'issue de cette période, son déploiement ne sous semble pas contrevenir à ce principe de proportionnalité.

D'ailleurs, la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) et l'Académie de médecine ont toutes deux rendu un avis favorable à la mise en œuvre de StopCovid, reconnaissant qu'elle s'inscrit dans une stratégie sanitaire globale.

La préservation des libertés individuelles ne peut être une variable d'ajustement

Envisager le déploiement de StopCovid comme la mise au pas de nos libertés individuelles nous parait donc constituer un raccourci aussi dangereux qu'infondé, quand de nombreuses raisons plaident au contraire pour sa mise en œuvre.

Tout d'abord un cadre légal strict : StopCovid étant conduit à traiter des données personnelles, il devra impérativement respecter les dispositions du règlement 2016/679 du 27 avril 2016, dit règlement général sur la protection des données ("RGDP"), entré en vigueur le 24 mai 2016, qui prévoit, en cas de contravention, le recours rapide à des sanctions lourdes.

L'entière liberté, ensuite : l'utilisation de StopCovid se fera sur la base du volontariat, sans qu'aucune contrainte ne puisse être, à cet égard, exercée par la puissance publique ou par un employeur, comme le Gouvernement l'a rappelé à maintes reprises.

Les moyens techniques par ailleurs : StopCovid utilisera la technologie du « Bluetooth » pour signaler la présence d'une personne qui s'est volontairement déclarée atteinte du Covid-19. Or, cette technologie ne permet ni la géolocalisation, ni le « tracking ».

Enfin, s'agissant de la question fondamentale de la centralisation et du traitement des données, qui garantit aux utilisateurs de l'application qu'ils ne pourront pas être identifiés ultérieurement par un tiers, et donc que leur anonymat sera à tout moment préservé, il convient de noter que la CNIL reconnait que l'application respecte "le concept de protection des données dès la conception", car elle utilise des pseudonymes ne permettant pas de remontée de listes de personnes contaminées.

Par ailleurs, en l'état actuel du projet d'application, l'organe centralisateur des données sera le Ministère de la Santé. Celui-ci devrait donc s'assurer que les garanties les plus strictes soient mises en œuvre pour que les données personnelles issues de l'application ne soient pas utilisables à d'autres desseins, et qu'elles seront donc supprimées une fois que l'application "StopCovid" sera sans objet.

On ne peut empêcher le débat démocratique, et il est fondamental que toutes les positions puissent s'exprimer lorsqu'il s'agit de protéger nos libertés individuelles.

Pour autant, l'état d'urgence que nous vivons appelle à la raison dans l'expression des revendications individuelles, et la condamnation per se d'une application qui a vocation à répondre à un impératif de santé publique, dans un cadre légal, proportionné, le respect du libre arbitre de chaque citoyen et la garantie de la protection de ses données personnelles, ne nous parait pas correspondre à l'expression démocratique la plus mesurée.

Espérons que la seconde décision que la CNIL s'apprête à rendre concernant StopCovid saura définitivement rassurer ses détracteurs quant au respect de nos libertés, et que le débat parlementaire dores et déjà programmé, de façon volontaire, par le Gouvernement, permettra, après cette décision, de dépassionner les critiques afin d'encourager le recours à une application, dont le succès dépendra du seul bon vouloir des français.

Le Comité JUREM (Juristes en Marche), @ www.jurem.fr


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