Suppressions d’emplois chez Carrefour : la santé au travail en marche

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hubert seillan2018Par Hubert Seillan, Avocat, Ledoux & Associés.

On savait depuis le mois de Novembre que le Gouvernement voulait engager une réflexion sur l’organisation de la prévention en santé sécurité au travail. On savait depuis plusieurs mois que le groupe Carrefour préparait un plan de restructuration visant de nouvelles stratégies commerciales. Fin Janvier, le Premier ministre a adressé une lettre de mission à Mme Charlotte Lecocq, députée. Dans le même temps, Carrefour a annoncé la suppression de 2400 postes, en proposant autant de départs volontaires.

A priori ces deux décisions n’ont aucune raison de converger et de se rencontrer. Cependant leur proximité dans le temps les éclaire d’une manière particulière. Ce qui permet d’observer que chacune renouvelle la préoccupation de l’autre. Deux simples questions peuvent ainsi être posées :

1. Ces suppressions d’emplois doivent-elles être envisagées également au plan de la santé au travail ?

2. Les services de santé au travail peuvent-ils alors apporter leur contribution aux démarches sociales qui vont être entreprises ?

La première question, n’est pas habituelle et peut surprendre, mais elle ne permet pas d’hésiter. L’inquiétude de l’ensemble des personnels est de nature à créer, tout particulièrement chez les personnes les plus vulnérables des états dépressifs, de réveiller des pathologies en sommeil et d’affaiblir leur organisme.

La seconde question n’est pas plus habituelle, mais comme elle trouve sa justification dans la première, des réponses doivent être attendues. On ne les trouvera pas explicitement dans les dispositions du code du travail. La raison se trouve dans le fait que les objectifs de celles-ci visent des salariés en fonction dans une entreprise. Or comme il s’agit ici de personnes, qui pour un temps n’auront plus de contrat de travail, les services de santé au travail n’ont plus de mission légale à leur égard.

Les réponses ne pouvant donc être trouvées dans le dispositif légal, sauf à tourner les textes en 8, la solution passe par une démarche contractuelle. Précisons que chaque employeur est le responsable exclusif de la santé de ses salariés du fait de son obligation générale de sécurité de résultat. Que pour l’y aider la loi lui a imposé de mettre en place une organisation en santé au travail faisant appel à des médecins du travail et à des professionnels en prévention. Et enfin, qu’une organisation interentreprises assure la couverture du territoire national pour le compte des entreprises adhérentes. C’est dans un tel cadre contractuel que peuvent être élaborées et mises en œuvre des actions d’accompagnement du reclassement des salariés de Carrefour.

De quoi peut-il s’agir ?

Les salariés ayant perdu leur emploi ne seront plus suivis par l’organisation de santé au travail. Mais, comme il faut souhaiter que le plus grand nombre soit réinséré professionnellement dans les délais les plus courts, la dynamique santé ne doit pas être négligée. Un suivi médical durant cette période d’inactivité favoriserait sans nul doute le maintien de l’état de santé, mais encore la bonne orientation de chacun. Ce suivi pour être parfaitement efficace devra cependant être organisé. La liberté contractuelle doit alors exprimer toutes ses capacités créatrices, pour rapprocher les services de santé au travail d’un territoire donné, Carrefour et les nouveaux employeurs. Le modèle doit être simplifié à l’extrême pour être rapidement mis en œuvre sur le terrain. Une première convention entre Carrefour et ses services de santé au travail fixerait les objectifs et les moyens. Une seconde serait alors conclue entre ces services et les services territoriaux assurant le suivi des entreprises d’accueil.

On peut raisonnablement penser que ces rapprochements et les échanges d’information qui en résulteront, seront de nature à faciliter les reclassements dans les meilleures conditions professionnelles.

Preuve sera faite, une fois de plus, que le contrat est le complément nécessaire de la loi.

Hubert Seillan, Avocat, Ledoux & Associés


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