Commentaire de Jean Marc SÁNCHEZ, Avocat aux barreaux de Paris et Madrid, Fondateur de la commission franco-espagnole du barreau de Paris.
La "non-déclaration" d’indépendance du Président du gouvernement catalan du 10 octobre dernier, durant quelques secondes avant d’être aussitôt suspendue, illustrait à elle seule son embarras et les difficultés qui s’annonçaient, en particulier pour la Catalogne et plus généralement pour l’Espagne.
Le gouvernement espagnol lui avait immédiatement demandé de clarifier sa position, ce qu’il na pas fait, ni à l’issue d’un premier délai qui expirait le 16 octobre, ni au bout d’un second délai qui lui avait été accordé jusqu’au 19 octobre, dès lors le Conseil des Ministres avait décidé de demander au Sénat de l’autoriser à appliquer l’article 155 de la Constitution espagnole du 29 décembre 1978.
Cet article trouve son origine dans les constitutions d’autres états démocratiques européens, comme l’Allemagne ou l’Italie.
La procédure d'application de l'article 155 de la Constitution est prévue par l'article 189 du règlement du Sénat espagnol.
Pour sa mise en œuvre, il est nécessaire que le gouvernement adresse au Président du Sénat une demande précisant les mesures concrètes qu’il entend mettre en œuvre, pour qu'elles puissent être débattues au sein de la Commission Générale des Communautés Autonomes.
Cette commission composée de vingt-sept sénateurs, représentant l’ensemble des groupes parlementaires présents au Sénat, en proportion de leur nombre et en ce compris les représentants des partis catalans favorables à l’indépendance, a été constituée le 25 octobre et devait entendre le Président du gouvernement catalan, qui a refusé de comparaître, ainsi que la Vice-présidente du gouvernement espagnol, avant de s’en remettre à nouveau au Sénat.
À son tour, le Sénat s’est prononcé à la majorité absolue en session plénière et en faveur de la demande du gouvernement, en raison de la majorité qu’il détient et du soutien de l’opposition.
L'article 155 ne vise pas la suspension d'une autonomie, mais permet au gouvernement de prendre le contrôle direct de la communauté autonome, en décidant des mesures nécessaire à restaurer la légalité constitutionnelle.
Le gouvernement catalan a refusé de se conformer à la volonté de Madrid de clarifier sa position pendant plus de deux semaines, le gouvernement espagnol considérant quant à lui qu’une absence de réponse ou qu’une réponse ambiguë correspondrait à une confirmation, mais a voté le 27 octobre dernier à la majorité des sièges et dans un hémicycle à moitié vide, la Déclaration Unilatérale d’indépendance (D.U.I.).
Cette déclaration assortie de la convocation de nouvelles élections, est intervenue après que le gouvernement espagnol, ayant obtenu le même jour l’autorisation du Sénat, ait décidé d’appliquer l’article 155 de la constitution et de destituer le Président du gouvernement catalan, remplacer son gouvernement par des fonctionnaires dépendant des ministères concernés, dissoudre le parlement local et convoquer des élections anticipées en Catalogne.
En raison de son caractère particulièrement exceptionnel, cet article n'avait été appliqué qu’à une seule occasion et s’était limité à l’époque à une simple mise en demeure, cette fois cela n’a pas suffi.
Jean Marc SÁNCHEZ
Avocat aux barreaux de Paris et Madrid
Fondateur de la commission franco-espagnole du barreau de Paris