Ressaisine, ça sent la fin ?

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antony dutoitDans son, (avis n°398077) du 23 décembre 2016, le Conseil d'Etat ne vient-il pas de remettre à plat le principe de la ressaisine de la CNAC après l’annulation par le juge de son avis. Jusqu’ici, l’annulation d’une décision d’autorisation de la CNAC ressaisit cette autorité de la demande initiale présentée par le pétitionnaire.

Cette règle a été posée par une décision « société Cora Belgique » du 12 janvier 2005, qui relève que « par une décision du 11 juillet 2000, la commission nationale d'équipement commercial (…) avait accordé à la société Auchan France l'autorisation de créer, par transfert et extension, un ensemble commercial de 17 700 m² de surface de vente comprenant un magasin à l'enseigne Auchan, d'une surface de vente de 13 000 m², et une galerie marchande, d'une surface de 4 700 m², à Mont-Saint-Martin ; que l'annulation de cette autorisation, par une décision du 23 février 2003 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, a eu pour effet de ressaisir la commission nationale de la demande d'autorisation présentée par la société Auchan France ; que, par suite, la SA CORA BELGIQUE et la SOCIETE DES SUPERMARCHES MATCH ne sont pas fondées à soutenir que la commission nationale n'était pas compétente pour prendre sa nouvelle décision du 9 septembre 2003 accordant au pétitionnaire l'autorisation demandée » (n°260198, aux Tables, page 771).

Elle a été confirmée après la loi de modernisation de l'économie, par un arrêté n°326933 du 23 juillet 2010, « comité de défense du petit commerce de Drancy et Bobigny ».

Cette ressaisine de la commission nationale d'aménagement commercial vaut également lorsque le juge administratif annule une décision de refus de la commission nationale d'aménagement commercial
Conseil d'Etat, 4 juillet 2012, Sas Croix Blandin, n°352933, « considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Commission nationale d'aménagement commercial a fait une inexacte application des dispositions précédemment mentionnées du code de commerce en refusant, par sa décision du 24 novembre 2010, l'autorisation demandée par la SAS Croix Blandin Distribution et les SCI Galerie Blandin, Retail Blandin, Jardi Blandin et Immoromi ; considérant, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par les sociétés pétitionnaires, que les requérantes ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 24 novembre 2010 ; que l'annulation de cette décision a pour effet de ressaisir la commission nationale de la demande d'autorisation présentée par les pétitionnaires; »
Ce principe trouvait à s’appliquer que le juge ait enjoint ou non à l'autorité compétente de réexaminer cette demande Rep. Min., question N° : 111861, JO du 17/04/2012, p. 3034

Ce principe de la ressaisine présentait un avantage non négligeable
Une certaine rapidité pour obtenir une nouvelle décision de la CNAC. Dans un contentieux déjà long, il permettait au bénéficiaire, après la décision du juge, de voir son projet examiné par la CNAC sans repasser devant la CDAC. Cela évitait de faire courir de nouveaux délais de recours contentieux et le cas échéant d’ouvrir ces délais à de nouveaux requérants.

L’avis récent du Conseil d'Etat rédigé comme une notice explicative ne dit-il pas que ce principe n’est plus ?
L’avis Conseil d'Etat, 23 décembre 2017, n°398077, « dans un tel cas, néanmoins, si les modifications nécessaires pour mettre le projet en conformité avec la chose jugée par la décision d'annulation sont sans effet sur la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, un nouveau permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale peut, à la demande du pétitionnaire, être délivré au seul vu d'un nouvel avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial compétente ou, le cas échéant, de la commission nationale. »
Dans ce considérant, le Conseil d’Etat indique qu’en cas d’annulation d’un PCAEC (et en l’absence d’incidence sur la conformité des travaux projetés), un nouveau PCAEC peut être délivré au seul vu d’un nouvel avis de la CDAC compétente ou, le cas échéant (il convient sans doute de comprendre en cas de recours), de la CNAC.
L’annulation du permis de construire pour ce qu’il vaut autorisation d'exploitation commerciale emporte pour le pétitionnaire la nécessité de déposer une nouvelle demande de PCAEC d’une part, de voir cette demande transmise à la CDAC d’autre part, d’encourir un recours auprès de la CNAC de troisième part.

Maigre consolation pour le pétitionnaire, le permis de construire pourra lui être accordé, sans nouvelle instruction des services de l’urbanisme en cas d’avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou de la commission nationale d'aménagement commercial si cet avis fait l’objet d’un recours. Pas sûr que ce nouveau mécanisme compense la perte du régime de la ressaisine !

Enfin, l’avis du Conseil d'Etat, qui n’était pas saisi de cette question, est silencieux sur le maintien du principe de la ressaisine pour les autorisations d'exploitation commerciale accordées aux projets ne nécessitant pas de permis de construire…

Antony DUTOIT, Avocat Associé, LETANG Avocats


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