Fabrice Rymarz, associé du cabinet d'avocats Racine, se propose d'analyser les conséquences du dispositif "Carrez", qui a pour objet de lutter contre la localisation abusive d'une dette en France dans le cadre de l’acquisition de titres de sociétés situées hors de France par l’intermédiaire de sociétés françaises s’endettant à cet effet.
Le bientôt célèbre dispositif "Carrez" (inspiré du non moins fameux amendement Charasse), a pour objet de lutter contre les schémas abusifs visant à localiser artificiellement une dette en France dans le cadre de l’acquisition de titres de sociétés situées hors de France par l’intermédiaire de sociétés françaises s’endettant à cet effet. Cependant, et c’est là l’un des nombreux problèmes posés par ce nouveau dispositif, il vise également l’acquisition d’entités spécifiquement françaises. Ce qui ne manque pas d’ajouter à l’insécurité juridique et fiscale ambiante.
Aux termes du dispositif, le législateur impose aux sociétés ayant acquis des titres de participation de réintégrer fiscalement une quote-part de leurs charges financières sur 8 exercices, s’il n’est pas établi que :
(i) les décisions relatives aux titres acquis sont effectivement prises par elle ou par une société établie en France la contrôlant au sens du Code de commerce ou par une société établie en France directement contrôlée par cette dernière au sens du même Code,
(ii) et, lorsque le contrôle ou une influence est exercé sur la société dont les titres sont détenus, que ce contrôle ou cette influence est effectivement exercé par la société détenant les titres ou par une société établie en France la contrôlant au sens du Code de commerce, ou par une société établie en France directement contrôlée par cette dernière au sens du même Code.
Les principaux apports du projet d’instruction publié le 16 mars dernier sont les suivants :
1. Exclusion
L’acquisition de titres de sociétés immobilières cotées et non cotées est expressément exclue du champ d’application de l’amendement Carrez.
2. Anti-abus
L’administration fiscale se réserve le droit de recourir à la procédure d’abus de droit en cas de schémas abusifs dans lesquels la dette d’acquisition est logée dans une société contrôlant la société cessionnaire et lui apporte les fonds nécessaires pour que cette dernière réalise l’acquisition des titres.
3. La notion de centre de décision autonome
L’administration confirme que le pouvoir de décision sur les titres et l’exercice d’un contrôle ou d’une influence sur la société acquise sont deux conditions cumulatives, ces deux critères étant regroupé sous le concept de "centre de décision autonome".
L’administration admet que les procédures de gouvernance groupe ne constituent pas un obstacle à la reconnaissance d’un centre de décision autonome, et ce même en cas d’accord d’inaliénabilité des titres résultant des règles de gouvernance groupe (ou bien encore de contraintes imposées par les banques).
Le projet d’instruction précise que la condition d’établissement en France ne concerne que la société exerçant le contrôle et l’influence. Ainsi, si la société contrôlante est une société sœur, il n’est pas requis que la mère soit établie en France.
4. Gestion de la preuve
La preuve de l’existence d’un centre de décision autonome peut se faire par tout moyen (en guise d’illustration, l’instruction mentionne l’existence de documents relatifs aux liens fonctionnels, organisationnels et hiérarchiques tels que des organigrammes, des procès verbaux d’organes délibérants attestant de la présence effective de membres représentant la société cessionnaire dans les organes de décision de la société acquise ou bien encore la possibilité de nommer des dirigeants ou de décider des distributions).
La preuve est à apporter au titre de l’exercice 2013 pour les titres acquis avant le 1er janvier 2012 et au titre de l’exercice d’acquisition/période de 12 mois suivant l’acquisition pour les titres acquis après le 1er janvier 2012.
5. Montant des charges financières à réintégrer
La réintégration des frais financiers sera déterminée annuellement selon la formule suivante : montant total des charges financières de l’exercice x (prix d’acquisition des titres /montant d’endettement moyen de l’entreprise). Étant précisé que le deuxième terme de cette formule sera limité à 1 lorsque le prix des titres excède le montant de la dette, les entreprises seront autorisées à exclure de la formule de calcul les emprunts pour lesquels elles seront en mesure d’établir qu’ils ont été affectés à un emploi autre que l’acquisition de titres de participation.
6. Cession des titres / fusion & opérations assimilées
En cas de cession des titres pendant la période de réintégration, la société cessionnaire pourra cesser de réintégrer les charges financières. En cas de fusion ou d’opération assimilée, la réintégration des charges financières est reportée sur la société bénéficiaire des apports.7. Articulation avec les autres régimes de limitation de déduction des charges financières. Le dispositif de "l’amendement Carrez" doit être appliqué avant les dispositifs "Charasse" et de "sous-capitalisation". Étant précisé qu’en cas d’application cumulative, la quote-part des charges financières à réintégrer ne peut excéder le montant total des charges effectivement supportées.
8. Nature des charges financières réintégrées
La non-déductibilité des charges financières ne leur confère pas la nature de revenus distribués. Donc pas de problématique de retenue à la source.
Fabrice Rymarz
Avocat Associé, Droit Fiscal
www.racine.eu
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