Publication par le Ministère du travail d’un guide pratique du fait religieux

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Joël GrangéJoël Grangé, Avocat associé au sein du cabinet Flichy Grangé commente la publication par le Ministère du travail d’un guide pratique du fait religieux.

Les manifestations de conviction religieuse dans l’entreprise sont de plus en plus fréquentes. Selon une étude récente, près de deux tiers des salariés interrogés (65 %) ont observé en 2016 plusieurs manifestations du fait religieux alors qu’ils étaient 50 % en 2015 ("le fait religieux en entreprise" étude de l’Institut Randstad et de l’Observatoire du Fait Religieux en Entreprise (OFRE), septembre 2016).

Les employeurs doivent faire face à des revendications croissantes (port du voile, salle de prière, demande d’absence pour célébrer une fête religieuse…). Si, selon l’étude précitée, les situations conflictuelles ou bloquantes restent minoritaires, elles progressent. Cette progression du fait religieux en entreprise témoigne, selon les auteurs de l’étude, "d’un mouvement de banalisation du fait religieux au travail".

Face à ce type de situations, les DRH doivent agir avec prudence.

Si en termes d’affichage, la Loi Travail affirme qu’un principe de neutralité restreignant les manifestations des convictions des salariés peut être inséré dans le règlement intérieur, cette loi rappelle cependant que de telles restrictions ne peuvent être inscrites dans le règlement intérieur d’une entreprise que si ces restrictions sont justifiées par "l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché."

En effet, les libertés de pensées, de conscience et de religion sont protégées par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l'Homme et par l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme. Le Code du travail garantit lui aussi l’exercice des libertés fondamentales au travail (article L. 1132-1 du Code du travail).

Le projet de Guide pratique du fait religieux élaboré par le Ministère du travail et présenté aux partenaires sociaux le 7 novembre 2016, rappelle que ce principe de neutralité ne s’impose pas aux entreprises privées. Celles-ci doivent au contraire "respecter la liberté de leurs salariés de manifester leur religion". L’employeur peut, cependant, "sous des conditions encadrées par la loi, introduire certaines restrictions allant jusqu’à la neutralité dans le règlement intérieur".

Alors comment gérer un salarié qui refuse d'exécuter certaines tâches de son travail ou de travailler à certains moments ? Comment gérer des demandes de lieux de prières au sein des entreprises, ou des refus de travailler avec des personnes de sexe opposé, sans risquer des accusations de discrimination, ou d’inégalité ?

Présenté sous forme de questions-réponses, ce guide pratique propose d’éclairer les acteurs du monde de l’entreprise sur la conduite à adopter quant à l’exercice de la liberté religieuse en entreprise, et à mieux comprendre des notions complexes comme la laïcité, le principe de non-discrimination, les différences de traitement admises, et la neutralité. 

Certaines réponses restent cependant en suspens dans l’attente de la position de la Cour de justice de l’Union Européenne. Il en est ainsi du point de savoir, par exemple, si une demande d’un client de ne plus voir les prestations assurées par une salariée voilée constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante de nature à écarter la discrimination fondée sur la religion. La réponse de la CJUE à cette question préjudicielle est attendue pour 2017.

Joël Grangé, Avocat associé au sein du cabinet Flichy Grangé


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