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Validité des accords d’entreprise : les nouvelles règles du jeu

Séverine Martel, Associée du cabinet Reed Smith et de Fernando Lima Teixeira, AssociéSéverine Martel, Associée du cabinet Reed Smith et de Fernando Lima Teixeira, collaborateur, commentent l'aspect négociation collective de la loi travail.

Afin de renforcer la légitimité des accords d’entreprise, le projet de loi El Khomri1 bouleverse profondément leurs conditions de validité en généralisant le principe de l’accord majoritaire.

Pari gagné ? Pas si sûr.

Vers une généralisation du principe de l’accord majoritaire

A l’heure actuelle, un accord d’entreprise doit :
- avoir été signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives (OSR) ayant obtenu au moins 30% des suffrages exprimés à l’issue du 1er tour des élections professionnelles,
- et ne pas avoir fait l’objet de l’opposition d’OSR ayant recueilli plus de 50% des suffrages exprimés au cours de ces mêmes élections.

A l’avenir2 , pour être valable, un accord d’entreprise devra être signé par des OSR ayant recueilli plus de 50% des suffrages exprimés au 1er tour des élections professionnelles, étant précisé que seuls seraient pris en compte les suffrages exprimés au profit des OSR, ceci afin, selon les partisans du projet, de dépasser plus facilement le seuil de 50%.

Les salariés pourront néanmoins valider un accord "minoritaire"

Pour éviter les situations de blocage, un accord minoritaire3 pourra être validé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés, sous réserve qu’il ait été signé par une ou plusieurs OSR ayant recueilli au moins 30% des suffrages exprimés au profit des OSR au 1er tour des élections professionnelles.

Les organisations syndicales signataires disposeront d’un délai d’un mois à compter de la signature de l’accord pour faire part de leur souhait d’organiser une consultation. Si dans un délai de 8 jours à compter de cette demande, le seuil de 50% n’est pas atteint, l’employeur devra organiser un référendum dans les deux mois. L’employeur ne pourra en revanche pas prendre l’initiative d’organiser une consultation dans ce cas de figure. Ceci est regrettable, car il n’est pas exclu que les organisations signataires soient réticentes à solliciter une consultation des salariés de peur de raviver une "guerre" syndicale.

Les modalités de la consultation seront définies par un protocole conclu entre l’employeur et les organisations syndicales signataires. Un décret est attendu pour préciser les conditions dans lesquelles le référendum aura lieu, le projet se contentant d’indiquer que celui-ci pourra avoir lieu par email.

- Cette réforme est-elle de nature à dynamiser la négociation collective en entreprise ?

A l’heure actuelle, un certain nombre de PME font face à des OSR qui n’atteignent pas le seuil de 30%. On peut craindre qu’elles n’atteignent pas plus le nouveau seuil de 50%.

Pleinement conscients de cette problématique, les Sénateurs avaient en première lecture du texte maintenu la règlementation actuelle mais prévu qu’en cas d’exercice du droit d’opposition, l’employeur et/ou les organisations syndicales signataires puissent recourir au référendum pour valider l’accord.

Cette proposition nous semblait plus à même de donner un nouveau souffle à la négociation collective en mettant en face de leurs responsabilités les organisations syndicales qui usaient de leur droit d’opposition.

- Le référendum : gage de démocratie ou évitement des syndicats ?

Si l’aspect démocratique de la consultation a été saluée par certains, d’autres ont critiqué la mesure tant sur le fond que sur la forme.

Sur la forme, des observateurs ont regretté que le législateur n’ait pas prévu un quorum ou que la majorité ne soit pas appréciée par rapport à l’ensemble de l’effectif ce qui aurait donné plus de légitimité au vote. La critique s’entend mais de telles restrictions auraient pu conduire à ne pas sortir d’une situation de blocage ce qui est précisément le but d’un référendum.

Sur le fond, certaines organisations syndicales ont estimé qu’elles étaient dépossédées de leur rôle ou que les salariés seraient soumis au bon vouloir des employeurs. Ces critiques nous semblent peu pertinentes.

Derrière ces reproches, se cache la crainte que les syndicats "contestataires" soient contraints d’adopter une politique du compromis. En effet, avec le système actuel, certains avaient beau jeu de refuser de signer un accord tout en n’usant pas de leur droit d’opposition.

Bien qu’imparfaite, espérons que cette réforme soit justement le premier pas vers une amélioration du dialogue social en entreprise lequel suppose nécessairement l’usage du compromis.

Séverine Martel, Associée et Fernando Lima Teixeira, collaborateur du cabinet Reed Smith

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NOTES :

1.Relatif au travail au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

2.L’entrée en vigueur de ces nouvelles règles sera étalée dans le temps. Elles s’appliqueront à compter de la publication de la loi s’agissant des accords de préservation ou de développement de l’emploi et du 1 er janvier 2017, en ce qui concerne les accords portant sur la durée du travail, les repos et les congés. Pour les autres thèmes, elles entreront en vigueur le 1er septembre 2019.

3.Cette possibilité est exclue pour les PSE et les accords de maintien de l’emploi.

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