Antoine Lemétais, Avocat associé, Lmt Avocats revient sur l'obligation d'information des salariés en cas de cession d'entreprise.
L’avenir des dispositions de la loi Hamon qui avait en juillet 2014 institué un droit d’information des salariés en cas de cession d’entreprise est encore incertain : le 18 mars dernier, Fanny Dombre-Coste a rendu un rapport au ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, proposant des aménagements à cette obligation afin d’affiner son champ d’application, atténuer la sanction et renforcer l’information régulière des salariés.
En parallèle, un amendement fut présenté au Sénat le 16 avril 2015, visant à restreindre l’obligation d’information aux seuls cas de cessation d’activité, du fait de l’absence de repreneur, modification selon ses auteurs totalement conforme à l’intention initiale du législateur.
Si l’on peut espérer que le texte soit aménagé, il faut pour l’heure apprendre à connaître ces dispositions découlant de la loi du 31 juillet 2014 sur l’économie sociale et solidaire (loi Hamon), précisées par le décret d'application du 28 octobre 2014 et le guide pratique diffusé par le Ministère de l’Economie, de l'Industrie et du Numérique à l'attention des salariés et chefs d'entreprise.
Informer chaque salarié individuellement
Pour les entreprises de 50 à 249 salariés,déjà soumises à l'obligation d'information consultation du comité d'entreprise,est créée une nouvelle obligation d'informer en même temps individuellement chaque salarié, pour permettre l'émergence d'une offre de reprise pendant la période de consultation. Sont également concernées les entreprises de moins de 50 salariés, où la réalisation de la cession ne pourra intervenir qu'au moins deux mois après l'information du dernier salarié, à moins d'obtenir de chacun d'eux qu'il confirme ne pas entendre présenter d'offre de reprise.
Les modalités de cette information sont très contraignantes, l'employeur ayant l'obligation d'établir que chaque salarié a été personnellement informé (fût-ce par exploit d'huissier si le salarié ne retire pas à la poste la lettre recommandée qui lui aurait été adressée !).
Sans obligation de fournir d’informations supplémentaires, ni de répondre aux offres
Le contenu de l'information est quant à lui très limité : il vise seulement la volonté du cédant de procéder à une cession et le fait que les salariés peuvent présenter une offre d’achat. Pour autant, le chef d’entreprise n’est pas tenu de divulguer d’information supplémentaire sur le projet de cession, ni sur la situation de l'entreprise. Il est prévu que le salarié puisse se faire assister, en particulier par un représentant de la chambre de commerce et de l'industrie régionale, soumis à une obligation de confidentialité.
Le cédant n’est pas non plus tenu de répondre à une offre de reprise présentée par un ou plusieurs salariés ou d'entrer en négociation avec eux.
Informer encore les salariés post cession
Le non-respect de cette obligation d'information est sanctionné par la nullité de la cession, que peut invoquer tout salarié. La prescription de l'action en nullité étant acquise à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de l'information donnée à chaque salarié de la réalisation de la cession, le chef d'entreprise se doit d'adresser à chaque salarié une nouvelle information post cession pour faire courir le délai de prescription.
Un dispositif contraignant pour un résultat prévisible certainement décevant
Le dispositif paraît fort peu adapté à la réalisation d’une opération de cession. Si le chef d’entreprise n'a pas accueilli ou suscité en amont –hors toute obligation légale- une reprise par ses collaborateurs, il parait bien utopique que ceux-ci puissent construire (et financer) une offre susceptible de constituer une alternative sérieuse à celle d'un repreneur choisi par le cédant, sans information sur l'entreprise, en moins de deux mois. Au surplus, le mécanisme apparaît bien loin de l'objectif prioritaire clairement affiché de simplifier la vie des entreprises.
Vers une évolution du texte dans le cadre d’un amendement à la loi Macron ?
Les recommandations du rapport présenté par Fanny Dombre-Coste visent à conserver ce nouveau droit des salariés, mais en lui apportant des ajustements :
- remplacer la sanction de la nullité par une amende proportionnelle au prix de vente
- assouplir les modalités pratiques d’information des salariés
- recentrer le champ d’application sur les ventes (et non pas les autres transferts du contrôle)
- et enfin permettre une information régulière des salariés visant à les placer dans la situation de repreneurs en leur communiquant les informations économiques sur la cession à venir de leur entreprise.
Lors de la remise de ce rapport, le Ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique a fait savoir qu’il porterait ces ajustements via un amendement du gouvernement au projet de loi pour la Croissance, l’Activité et l’Egalité des chances économiques.
Antoine Lemétais, Avocat associé, Lmt Avocats