Paris

18.7°C
Clear Sky Humidity: 44%
Wind: WNW at 4.63 M/S

La conciliation au sein du tribunal de commerce de Paris

Ozan Akyurek, Associé, Jones DayOzan Akyurek, avocat associé spécialisé en contentieux commercial et droit des affaires chez Jones Day, décrypte la procédure de conciliation.

Le 3 septembre dernier, c’est par la voie de la conciliation et grâce à l’initiative du tribunal de commerce de Paris que LVMH et Hermès ont mis fin au conflit démesuré qui les opposait depuis près de quatre ans.

Ce n’est pas la première fois qu’un litige de cette envergure prend fin grâce à la voie négociée, celle-ci ayant déjà fait ses preuves en 2012 entre Casino et Galeries Lafayette au sujet de Monoprix et, en 2013 entre Vivendi et Lagardère pour le cas Canal +.

Les grandes affaires médiatiques ne sont pourtant pas les seules à pouvoir bénéficier de cette procédure amiable qui convient tout aussi bien aux querelles familiales qu’aux autres conflits entre actionnaires.

Frank Gentin, Président du tribunal de commerce de Paris, l’a bien compris et ambitionne de développer cette tendance afin d’imposer la conciliation comme l’une des voies privilégiées du règlement des différends en matière commerciale. Les chiffres sont éloquents : le tribunal de commerce de Paris a en effet mené 700 conciliations depuis le début de l’année, soit deux fois plus qu’en 2013 et vise, pour les années à venir, une moyenne se situant entre 800 et 1000 dossiers par an.

La réussite de cette procédure amiable au sein de la juridiction consulaire de Paris est le résultat d’un choix politique opéré par son Président qui souhaite faire bénéficier les justiciables du pragmatisme de ses juges, celui-ci leur ayant donné pour consigne il y a quelques mois de proposer la procédure de conciliation à un maximum de parties.

Pour l’heure, les juges du tribunal ne peuvent s’appuyer que sur l’article 21 du Code de procédure civile aux termes duquel "Il entre dans la mission du juge de concilier les parties".

Or, estimant que ces dispositions sont encore trop faibles pour convaincre les parties réticentes à la conciliation et faire changer les mentalités en profondeur, Frank Gentin a récemment sollicité l’aide du législateur pour développer les procédures de règlement amiable des conflits.

Sous l’angle économique, l’enjeu est important. Si elle est source d’économies budgétaires pour le service public de la justice, la voie négociée offre également un gain de temps et d’argent aux justiciables par rapport à la procédure contentieuse classique.

Outre cet aspect financier, qui constitue un intérêt majeur pour les entreprises qui souhaitent aujourd’hui que les contentieux se règlent rapidement et au plus faible coût, le principe de la confidentialité, régissant cette procédure, permet de préserver les relations d’affaires et de ménager la réputation de ces entreprises. Enfin, pour ce qui est des avocats, ces derniers sont satisfaits de pouvoir défendre les intérêts de leurs clients tout en évitant un certain aléa judiciaire.

Si un consensus semble s’instaurer sur l’intérêt de développer la conciliation au sein des autres juridictions consulaires françaises, l’initiative soulève encore quelques questions.

La première est celle de la confidentialité du processus au sein du tribunal. Certains avocats se sont en effet inquiétés du risque que les propos échangés en conciliation ne pèsent ensuite sur le dossier en cas d’échec de la conciliation. A ce titre, Frank Gentin assure que le juge conciliateur ignore qui traitera le dossier en cas d’échec. Cependant, si cela devait être le cas, le Président de la juridiction consulaire de Paris propose la délocalisation du litige dans un autre tribunal afin d’empêcher tout échange préjudiciable aux droits des parties. En ce qui concerne la publicité de l’accord en cas de réussite des négociations, celle-ci est entièrement entre les mains des parties qui choisissent ou non la confidentialité.

L’autre interrogation porte sur la formation des juges consulaires car un bon juge n’est pas nécessairement un bon conciliateur. Dans le cadre de la conciliation, le juge devient en effet un acteur central et actif de la procédure, qui doit alors faire preuve de persuasion et de détermination afin de parvenir à une solution négociée et acceptée sans contrainte par les parties. De telles qualités s’acquièrent avec l’expérience.

C’est la raison pour laquelle, le 15 octobre dernier, Frank Gentin a annoncé la création d’une chambre dédiée à la conciliation au sein de la juridiction parisienne. Outre l’amélioration de la pratique des juges, l’initiative permet de faciliter l’accès des justiciables aux modes négociés de résolution des litiges, objectif fixé par le projet de réforme "Justice du 21e siècle" présenté par la Garde des sceaux le 10 septembre 2014.

Ozan Akyurek, Associé, Jones Day

Image

Actualisé quotidiennement, le Monde du Droit est le magazine privilégié des décideurs juridiques. Interviews exclusives, les décryptages des meilleurs spécialistes, toute l’actualité des entreprises, des cabinets et des institutions, ainsi qu’une veille juridique complète dans différentes thématiques du droit. De nombreux services sont également proposés : annuaire des juristes d’affaires, partenariats de rubriques (affichez votre expertise sur Le Monde du Droit), création d’émissions TV diffusées sur 4Change (Interviews, talkshows, chroniques...), valorisation de vos différentes actions (deals, nominations, études, organisations d’événements, publication de contributions, récompenses, création de votre cabinet...)