Les dispositions limitant l'exercice de la profession d'avocat pour les titulaires d'un mandat électif ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'exercice du mandat électif et à la liberté du commerce et de l'industrie. Elles ne méconnaissent pas non plus le principe d'égalité à la fois entre citoyens et entre avocats.
M. A. est avocat et membre du conseil régional de Midi-Pyrénées. Il a demandé au Premier ministre l'abrogation des dispositions des articles 118 et 119 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat en tant qu'elles interdisent à un avocat investi d'un mandat de conseiller régional d'accomplir aucun acte de sa profession contre les départements et communes situées dans le ressort de la région dont il est l'élu ainsi que les établissements publics de ces collectivités territoriales, et à un avocat investi d'un mandat de conseiller général d'accomplir aucun acte de sa profession contre les communes situées dans le ressort du département dont il est l'élu et les établissements publics de ces communes.
M. A. demande l'annulation du refus implicite que le Premier ministre a opposé à sa demande.
Le premier moyen :
A cet effet, il soulève d'abord une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Les dispositions de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques seraient en effet inconstitutionnelles car elles méconnaissent l'article 34 de la Constitution qui, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, réserve au législateur le soin de fixer les règles concernant les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales.
Le Conseil d'Etat rejette la QPC dans un arrêt du 20 décembre 2011. Bien que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit, le Conseil rappelle qu'elle ne saurait l'être à l'encontre d'une disposition législative antérieure à la révision de la Constitution ayant conféré cette compétence au législateur. Par suite, la méconnaissance par le législateur de la compétence qui lui a été conférée par les dispositions de l'article 34 telles que modifiées par cette loi constitutionnelle ne peut être invoquée utilement à leur encontre.
Le second moyen :
M. A. soutient que les dispositions législatives précitées créent une limite à l'exercice d'un mandat électif que seul le législateur serait compétent pour faire en vertu de l'article 34 de la Constitution. Il prétend également que les articles litigieux du décret du 27 novembre 1991 et les incompatibilités instituées portent une atteinte disproportionnée à la liberté d'exercice du mandat électif, à la liberté du commerce et de l'industrie, et méconnaissent le principe d'égalité à la fois entre citoyens et entre avocats.
Néanmoins, le Conseil rejette la demande d'annulation du refus opposé par le Premier ministre à sa demande d'abrogation.
En effet, premièrement, il résulte des termes cités de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques que, des travaux parlementaires ayant précédé son adoption, le législateur a habilité le pouvoir réglementaire à édicter les incompatibilités contestées. Le moyen tiré de l'incompétence du pouvoir réglementaire doit, par suite, être écarté.
Deuxièmement, ces dispositions se bornent à encadrer l'exercice de la profession d'avocat dans l'hypothèse où l'avocat est également conseiller régional ou conseiller général et n'ont ni pour objet ni pour effet de porter par elles-mêmes atteinte à la liberté d'exercice de leurs mandats par les élus locaux. Par ailleurs, le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ne saurait être utilement invoqué en l'espèce, dès lors que ces dispositions prévoient des règles qu'il appartient au législateur et au pouvoir réglementaire d'exécution des lois de fixer s'agissant de l'exercice d'une profession réglementée.
Enfin, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier. Or, ces dispositions n'interdisent nullement aux avocats de se présenter aux élections locales et d'exercer les mandats sollicités dès lors qu'ils satisfont aux conditions d'éligibilité applicables à tout citoyen ; elles ne méconnaissent pas davantage le principe d'égalité entre avocats dès lors qu'elles sont applicables à l'ensemble des avocats investis des mandats en cause.
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