Pour aussi tragique qu’il soit, le décès inopiné d'un copilote est, à l’instar de toute maladie pouvant affecter un membre indispensable de l’équipage, inhérent à l’exercice normal de l’activité de la compagnie aérienne. Ainsi, l’annulation du vol pour cette raison n’exonère pas la compagnie aérienne de son obligation d’indemniser les passagers.
Le 17 juillet 2019, une compagnie aérienne portugaise devait assurer un vol entre Stuttgart (Allemagne) et Lisbonne (Portugal). Le matin même, le copilote du vol concerné a été retrouvé mort dans sa chambre d’hôtel. Choqué par cet événement, l’ensemble de l’équipage s’est déclaré inapte à voler, si bien que le vol a été annulé.
La compagnie ayant soutenu que le décès inopiné du copilote constituait une circonstance extraordinaire qui exonère le transporteur aérien de son obligation d’indemnisation, le tribunal régional de Stuttgart, saisi de l'affaire, a demandé à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) d’interpréter le règlement n° 261/2004 du 11 février 2004.
Dans son arrêt rendu le 11 mai 2023 (affaires jointes C-156/22 à C-158/22), la CJUE considère que la gestion d’une absence inopinée, en raison de la maladie ou du décès, d’un ou de plusieurs membres du personnel indispensables pour assurer un vol, y compris peu de temps avant le départ de ce dernier, est intrinsèquement liée à la question de la planification de l’équipage et des horaires de travail du personnel. Ainsi, une telle absence est inhérente à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien effectif et ne relève donc pas de la notion de "circonstances extraordinaires". Il s’ensuit que le transporteur aérien n’est pas exonéré de son obligation d’indemniser les passagers.
La Cour précise que, pour aussi tragique et ultime qu’elle soit, la situation d’un décès inopiné ne se distingue pas, d’un point de vue juridique, de celle dans laquelle un vol ne peut être assuré lorsqu’un membre du personnel est tombé malade, de manière inopinée, peu de temps avant le départ du vol. Ainsi, c’est l’absence même et non la cause médicale précise de cette absence qui constitue un événement inhérent à l’exercice normal de l’activité de ce transporteur de sorte que ce dernier doit s’attendre à la survenance de tels imprévus dans le cadre (...)