La continuation d'un contrat en cours oblige le cocontractant à remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture.
Deux sociétés de production ont conclu un contrat de coproduction d'un film intitulé "Tour de France", selon lequel l'une des productrices devait apporter des fonds à hauteur de 300.000 € sur appel de règlement en trois échéances dont la troisième, prévue en mars 2016, n'a pas été réglée.
Le 28 avril 2016, cette société a été mise en redressement judiciaire sans désignation d'administrateur, un plan étant ultérieurement arrêté. Sur mise en demeure de sa cocontractante, elle a opté, avec l'accord de son mandataire judiciaire, pour la continuation du contrat de coproduction.
La créancière ayant subordonné la continuation du contrat au paiement de la somme restant due de 100.000 € et constatant que celui-ci n'était pas intervenu, a signifié à la débitrice que le contrat était devenu "caduc". Cette dernière a alors assigné sa cocontractante en restitution de la somme de 200.000 € qu'elle avait antérieurement réglée.
Le 7 juin 2022, le tribunal a ordonné la résolution du plan et la liquidation judiciaire de la débitrice.
La cour d'appel de Paris a jugé que la créancière était fondée à opposer à sa cocontractante la résiliation de plein droit du contrat de coproduction. Pour les juges du fond, la débitrice, ayant opté pour la continuation du contrat, devait fournir la prestation prévue et s'acquitter de sa dette en payant la dernière tranche prévue au contrat.
La Cour de cassation censure ce raisonnement dans un arrêt du 19 avril 2023 (pourvoi n° 21-21.692) : le contrat avait été signé avant l'ouverture de la procédure collective et prévoyait une dette de 100.000 € qui n'avait pas été réglée à cette date.
La chambre commerciale précise en effet qu'il résulte de l'article L. 622-13, I du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-14 du même code, que la continuation d'un contrat en cours oblige le cocontractant à remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture, lesquels n'ouvrent droit au profit du créancier qu'à déclaration au passif.