La responsabilité du commissaire de justice n'est pas subsidiaire

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La responsabilité des professionnels du droit ne présente pas un caractère subsidiaire, de sorte que la mise en jeu de la responsabilité d'un commissaire de justice n'est pas subordonnée au succès de poursuites préalables contre un autre débiteur et qu'est certain le dommage subi par sa faute, quand bien même la victime disposerait, contre un tiers, d'une action consécutive à la situation dommageable née de cette faute et propre à assurer la réparation du préjudice.

Une société d'huissiers de justice a signifié un congé donné par une société à sa bailleresse. Celle-ci ayant invoqué la nullité du congé et la poursuite du contrat jusqu'à son terme, la locataire l'a assignée en constatation de la validité de ce congé et a appelé à la procédure la société d'huissiers afin d'obtenir subsidiairement sa garantie.
La locataire a exécuté le jugement qui annulait le congé et la condamnait avec exécution provisoire au paiement des loyers et charges subséquents. Ce jugement a été infirmé par un arrêt irrévocable qui a validé le congé et rejeté les demandes formées par la bailleresse en exécution du bail.
La bailleresse a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde puis d'un plan prévoyant l'apurement de la créance de restitution de la locataire sur une période de dix ans.
Invoquant une faute commise par la société d'huissiers dans la rédaction du congé, la locataire l'a assignée, ainsi que son assureur, en responsabilité et indemnisation de ses préjudices.

La cour d'appel de Versailles a rejeté cette demande.
Les juges du fond ont retenu que la société d'huissiers avait commis une faute consistant en un manquement à son obligation de rédiger un acte juridiquement efficace et insusceptible de contestation et que la procédure introduite par la bailleresse en contestation de validité du congé avait pour cause unique le vice de forme affectant ce congé.
Ils ont cependant énoncé que la possibilité de recouvrer la créance contre la bailleresse en procédure collective n'était pas une conséquence de la situation dommageable née de la faute et que le préjudice constitué du défaut de restitution des fonds versés à tort au bailleur en exécution du jugement infirmé était tout à fait hypothétique, de sorte qu'il n'était pas réparable.

La Cour de cassation invalide cette analyse au visa de l'article 1382, devenu 1240, du code civil : sans la faute de l'huissier ayant motivé l'annulation du congé et sa condamnation par le jugement infirmé, la locataire ne se serait pas dessaisie des fonds, si bien que la possibilité de les recouvrer auprès de la société bailleresse bénéficiant d'une procédure de sauvegarde était bien une conséquence de la situation dommageable née de la faute de l'huissier.
Dans un arrêt du 24 janvier 2024 (pourvoi n° 22-14.748), la Haute juridiction judiciaire rappelle en effet que la responsabilité des professionnels du droit ne présente pas un caractère subsidiaire, de sorte que la mise en jeu de la responsabilité d'un huissier n'est pas subordonnée au succès de poursuites préalables contre un autre débiteur et qu'est certain le dommage subi par sa faute, quand bien même la victime aurait disposé, contre un tiers, d'une action consécutive à la situation dommageable née de cette faute et propre à assurer la réparation du préjudice.

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