A l’initiative notamment de CMS Bureau Francis Lefebvre, le Conseil d’Etat devrait prochainement prononcer l’annulation d’une partie des dispositions de l’ordonnance du 19 décembre 2012 qui concernent la vente de médicaments par Internet.
Rappelons que cette ordonnance a pour objet la transposition en France de la directive européenne 2011/62/UE du 8 juin 2011.
Il résulterait de cette annulation partielle trois conséquences principales :
- les autres dispositions de l’ordonnance devraient faire prochainement l’objet d’une ratification législative ; rappelons qu’elles concernent l’importation des matières premières, la sécurisation et la traçabilité du médicament et le courtage ;
- concernant la vente sur Internet, le Gouvernement devrait, dans la limite des dispositions annulées, "revoir sa copie", selon des modalités qui restent à déterminer ;
- jusqu’à cette date, les conditions de la vente sur Internet seraient sensiblement assouplies, seule la directive européenne étant applicable.
La directive européenne 2011/62/UE du 8 juin 2011 devait, pour l’essentiel de ses dispositions, être transposée par les Etats membres pour le 2 janvier 2013.
Le Conseil d’Etat a examiné à l’audience publique du 26 juin les trois recours dont il est saisi, dirigés contre l’ordonnance du 19 décembre 2012 et le décret du 31 décembre 2012 pris pour son application transposant cette directive en droit français.
Comme la directive qu’elle transpose, l’ordonnance du 19 décembre 2012 a un quadruple objet :
- en premier lieu, elle met en place l’encadrement juridique du futur dispositif de sécurisation et de traçabilité du médicament ;
- en deuxième lieu, elle incorpore dans le droit français les nouvelles obligations à venir concernant l’importation des matières premières et des principes actifs ;
- en troisième lieu, elle organise la nouvelle activité de courtier en achat et vente de médicaments qui existe depuis le 1er avril ;
- en quatrième et dernier lieu, elle organise les modalités de vente par Internet de spécialités pharmaceutiques depuis le territoire français ou à destination de celui-ci.
Parmi ces quatre séries de dispositions, les recours dont le Conseil d’Etat est saisi portent exclusivement sur la question de la vente de médicaments par Internet. Il en résulte donc que les trois autres volets de l’ordonnance du 19 décembre 2012 pourront prochainement faire l’objet d’une ratification législative.
Le Gouvernement n’a aucune obligation de calendrier en matière de ratification législative. Celle-ci devrait donc intervenir dès que le calendrier parlementaire le permettra, peut-être à la prochaine session parlementaire. D’ores et déjà, le Parlement est en tout cas saisi du projet de loi de ratification, déposé sur le bureau de l’Assemblée Nationale le 13 mars 2013.
En ce qui concerne la vente de médicaments par Internet, rappelons que l’ordonnance du 19 décembre 2012 est d’ores et déjà partiellement suspendue depuis le 14 février 2013 par une décision du Conseil d’Etat statuant en référé.
A l’audience publique du 26 juin, le Rapporteur public a proposé au Conseil d’Etat l’annulation des dispositions de l’ordonnance d’ores et déjà suspendues et relatives à la nature des médicaments qui peuvent être vendues par Internet.
Les affaires sont maintenant en délibéré et la décision du Conseil d’Etat devrait intervenir à la mi-juillet. Si, comme c’est souvent le cas, cette décision est conforme au sens des conclusions prononcées lors de l’audience publique par le Rapporteur public, il en résultera pour le Gouvernement l’obligation, pour respecter ses obligations européennes, de "reprendre sa copie". Pour ce faire, il aura le choix soit d’obtenir une nouvelle habilitation du Parlement qui lui permettrait de légiférer à nouveau par voie d’ordonnance, soit - plus probablement - de faire adopter par le Parlement une loi sur le sujet, par exemple en amendant le projet de loi de ratification évoqué plus haut et tenir ainsi compte de la décision du Conseil d’Etat.
A défaut d’opter pour l’une ou l’autre de ces deux solutions, les autorités françaises s’exposent à des poursuites par la Commission européenne devant la Cour de justice de l’Union à Luxembourg. En tout cas, jusqu’à l’intervention de ces nouvelles dispositions, la directive 2011/62/UE, applicable donc depuis le 2 janvier 2013, s’appliquerait pleinement directement, en lieu et place de l’ordonnance française annulée.
L’ordonnance du 19 décembre 2012 pose principalement trois problèmes au regard de la directive européenne :
- la liste des médicaments qui peuvent être vendus par Internet, limitée en France aux seuls médicaments en accès libre (un peu plus de 400), est trop étroite puisque le droit européen autorise la vente de la totalité des médicaments qui ne sont pas soumis à prescription (environ 4 000) ; ce sont ces dispositions qui ont d’ores et déjà été suspendues par le Conseil d’Etat dès le 14 février 2013 et dont l’annulation est proposée par le Rapporteur public ;
Celui-ci a proposé d’écarter deux autres objections faites au dispositif mis en place par les autorités françaises :
- l’officine qui souhaite pratiquer la vente par Internet doit être autorisée par l’ARS alors qu’elle bénéficie déjà d’une autorisation d’ouverture et que la directive n’exige qu’une simple notification aux autorités, c’est-à-dire une simple information de celles-ci ;
- enfin, l’obligation de relier chaque site de vente à une pharmacie "physique" et à une seule est excessivement restrictive sans paraître justifiée par aucune obligation de santé publique.
Quoi qu’il en soit, si elle est conforme aux suggestions du Rapporteur public, la décision du Conseil d’Etat devrait créer un environnement juridique plus favorable à la vente de médicaments par Internet.
Dans ces affaires, CMS Bureau Francis Lefebvre (Bernard Geneste, avocat associé, et Saliha Rhaimoura, juriste) a accompagné l’un des trois plaignants dans le contentieux devant le Conseil d’Etat, ainsi que dans la mise en place d’un site de vente de médicaments par Internet.