Former des juristes de très haut niveau capables de comprendre et de s’adapter aux mutations actuelles de l’exercice du droit. L’objectif est clairement affiché pour cette nouvelle Ecole de Droit qui vient d’ouvrir ses portes à Sciences Po. Créer une réelle " marque " afin que les universités étrangères et les employeurs français et internationaux des futurs diplômés soient en mesure de l’identifier, telle est également son ambition.
Genèse
Le droit à Sciences Po n’a rien de nouveau. Il y est enseigné depuis sa création en 1870. Le droit public a, pendant longtemps, constitué l’axe principal des enseignements du droit en raison de la création en 1945 de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA), dont Sciences Po est une voie préparatoire.
Après une diversification des matières juridiques enseignées, Sciences Po a renforcé depuis une dizaine d’années la place de cet enseignement en recrutant des professeurs de droit permanents et en créant le master " carrières juridiques et judiciaires " qui prépare au concours de l’Ecole Nationale de la
Magistrature (ENM) et le master " droit économique ".
En mars 2007, un arrêté ministériel a autorisé les diplômés de Sciences Po titulaires de l’un ou l’autre de ces deux masters à présenter l’examen d’entrée aux écoles de formation du barreau, donnant ainsi naissance à une situation totalement nouvelle.
Les étudiants pouvaient désormais suivre la totalité de leur cursus juridique à Sciences Po sans être obligés d’obtenir un diplôme d’une faculté de droit pour pouvoir s’inscrire à l’examen du barreau.
D’une logique de formation complémentaire et de spécialisation qui avait prévalu lors de la création des deux masters, on entrait dans une logique de formation " fondamentale " en droit. Sciences Po pouvait désormais entamer une réflexion sur la création d’une Ecole de Droit.
" Il y a quatre ans, Sciences Po a créé une Ecole de Journalisme, laquelle a absorbé le master de journalisme, puis il y a deux ans une Ecole de Communication laquelle a absorbé le master de communication " explique Richards Descoings, directeur de Sciences Po. " Une Ecole offre une meilleure visibilité qu’un master, nous sommes ainsi plus compréhensibles à l’étranger et avec une Ecole, nous avons une unité fonctionnelle et une autonomie de gestion plus grande ".
A qui s'adresse l'école de droit ?
A la demande Richard Descoings, une commission présidée par Jean-Michel Darrois et composée de professionnels du droit, de l’entreprise et d’universitaires étrangers, s’est réunie pour expertiser le projet de création d’Ecole et formuler des propositions concrètes à la lumière des attentes du marché.
" Que souhaite-t-on pour nos étudiants et nos futurs collaborateurs : qu’ils maîtrisent les fondamentaux du droit, qu’ils aient une conception de la valeur du droit dans une démocratie et qu’ils maîtrisent la façon de raisonner et de poser un problème " indique Jean-Michel Darrois, avocat associé du cabinet Darrois Villey Maillot Brochier. " Sciences Po a une vocation particulière pour enseigner cette démarche ".
L’Ecole de droit de Sciences Po s’adresse à des juristes de très haut niveaux, plus spécialement dans le domaine du droit des affaires et du droit économique.
Il s’agit d’une formation de second cycle. Les élèves qui la rejoignent sont donc issus soit du Collège de Sciences Po, soit d’une autre formation de l’enseignement supérieur en trois ou quatre ans : écoles de commerce, écoles d’ingénieur, facultés de lettres, ENS, etc.
Cette formation, de trois ans, commence par une année d’enseignement des fondamentaux du droit et du droit économique.
Elle est suivie d’une année de professionnalisation au cours de laquelle les élèves ont la possibilité de faire des stages en cabinet d’avocat, en entreprise ou dans une administration, étant entendu que l’expérience pratique est absolument fondamentale pour l’apprentissage du droit.
Un certain nombre de grands cabinets d’affaires, tel que Gide Loyrette Nouel ou Clifford Chance, ont déjà répondu présents pour accueillir des étudiants en stage.
Elle se termine par une année de spécialisation (droit des marchés et de la régulation, contentieux économique et arbitrage, propriété intellectuelle, droit et globalisation économique, etc.)
Les objectifs et la méthode
" l’Ecole de Droit a voulu rompre délibérément avec les cours magistraux et les conférences de méthodes " indique Christophe Jamin, directeur de l’Ecole de Droit qui accueille pour cette rentrée 280 élèves.
Ils ont été remplacés par une pédagogie interactive qui s’effectue en petits groupes. Elle a été pensée pour donner aux étudiants la capacité à aborder les problématiques de manière globale et non par branche du droit.
L’enseignement se veut donc transversal et insiste sur la dimension pluridisciplinaire du droit. " Chaque étudiant disposera de la matière avant les cours et en aura pris connaissance. Les professeurs sont là pour débattre " poursuit Christophe Jamin. " Cette méthode favorise la créativité et l’ingéniosité. Nous voulons apprendre aux étudiants, non pas à apporter de la contrainte mais à être des facilitateurs, des metteurs en oeuvre ".
L’accent ne sera donc pas mis sur la substance du droit mais sur les méthodes de raisonnement. Les étudiants doivent être amenés à développer une pensée stratégique en droit. " Dans cet enseignement, le droit est compris comme un objet de gouvernance et non pas uniquement comme un objet technique, ce qui doit permettre de former des étudiants opérationnels également hors du droit ", explique Christophe Jamin.
Dans cette optique, les cours sont enseignés à la fois par des professeurs de droit et par des praticiens de haut niveau qui leur transmettent non seulement les connaissances indispensables, mais aussi une partie de leur expérience.
Parmi les professionnels, qui interviennent à l’Ecole de Droit, on peut citer : Jean Michel Darrois, avocat associé du cabinet Darrois Villey Maillot Brochier, Alain Lacabarats, Président de Chambre à la Cour de Cassation et Bernard Stirn, Président de la section du contentieux du Conseil d’Etat.
Et l'Université ?
Se distinguant des facultés de droit qui recrutent les élèves à la sortie du baccalauréat, Sciences Po est convaincu qu’il est nécessaire et possible de former des étudiants ayant suivi d’autres cursus et de les positionner comme des acteurs essentiels de la vie juridique avec un bagage structuré, non seulement en droit, mais aussi en sciences sociales (plus spécialement en économie) et en langue.
" L’Ecole de Droit de Sciences Po ne se pose pas en concurrente de l’université. Elle accueillera un nombre limité d’étudiants destinés aux grands cabinets d’affaires et grandes directions juridiques. Nous nous situons dans une niche et notre action est plus restreinte " rappelle Richard Descoings.
L’Ecole de Droit qui prodigue un enseignement de 2ème cycle, se différencie certes de l’enseignement universitaire où la formation des juristes commence en 1er cycle mais elle se rapproche en cela des standards internationaux.
Une formation enrichie par la recherche
Standards dont l’exigence conduit Sciences Po à construire une Ecole de Droit adossée à la recherche avec une communauté scientifique vivante insérée dans les réseaux académiques d’excellence.
En vertu de ce principe, l’Ecole de Droit s’est dotée d’un programme doctoral ambitieux en étroite liaison avec des partenaires dans le monde entier, destiné aux étudiants qui souhaitent collaborer par leurs travaux à une meilleure compréhension des phénomènes juridiques.
Pour le monde de demain, tourné vers l'international
Comme tous les étudiants de Sciences Po, les élèves de l’Ecole de Droit devront, pour pouvoir être diplômés, justifier d’un niveau d’anglais courant. Ils maîtriseront pour la plupart d’entre eux trois langues.
Les étudiants sont destinés à intégrer puis à manager des équipes pluridisciplinaires
et pluriculturelles. Dans un monde en voie de globalisation, l’Ecole de Droit entend proposer des cursus internationalisés.
D’ores et déjà, son corps professoral est composé pour partie d’universitaires étrangers : Katja Langenbucher, Professeur à la Goethe University, Richard Gold, Professeur à McGill, Georges Berman, Professeur à la Columbia Law School, Geoffrey Samuel, Professeur à la Kent Law School.
L’Ecole de Droit offre aussi la possibilité aux étudiants de partir en échange dans des universités prestigieuses : Columbia Law School, Université McGill, Université de Sao Paolo. De même, la spécialité " droit et globalisation économique " du master " droit économique ", effectuée en coopération avec l’Université Paris I, associe sept universités nord-américaines prestigieuses (Columbia Law School, Duke University, Cornell University, Georgetown University, Northwestern University, University of Pennsylvania, University of Virginia).
A l’heure où un marché international du droit se développe, les partenaires internationaux de Sciences Po et les employeurs potentiels de ces futurs diplômés sont dores et déjà très attentifs à cette nouvelle démarche.