Le Conseil constitutionnel a jugé non conforme à la Constitution les dispositions législatives relatives à l'information du membre d’une chambre régionale des comptes poursuivi sur le droit qu’il a de se taire dans le cadre d’une procédure disciplinaire.
Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité à la Constitution de l’article L. 223-2 du code des juridictions financières, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes, et de l’article L. 223-4 du même code, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-1360 du 13 octobre 2016 modifiant la partie législative du code des juridictions financières.
Lorsque le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes est saisi de poursuites disciplinaires, les dispositions de l’article L. 223-2 du code des juridictions financières prévoient que, au cours de l’enquête, le rapporteur désigné par le président du conseil supérieur entend le magistrat.
Selon les dispositions contestées de l’article L. 223-4, lors de sa comparution, le magistrat est entendu par le conseil supérieur.
D’une part, lors de l’enquête, le rapporteur a la faculté d’interroger le magistrat sur les faits qui lui sont reprochés.
D’autre part, lors de la comparution devant le conseil supérieur, il revient à ce dernier d’inviter le magistrat à fournir ses explications et moyens de défense sur ces mêmes faits.
Ainsi, le magistrat peut être amené à reconnaître les manquements pour lesquels il est disciplinairement poursuivi. En outre, le fait même que ce magistrat soit entendu ou invité à présenter ses observations peut être de nature à lui laisser croire qu’il ne dispose pas du droit de se taire.
Or, lors de l’audience, le conseil supérieur prend connaissance des déclarations du magistrat consignées dans le rapport établi à la suite de l’enquête et reçoit celles qui sont faites devant lui.
Dès lors, en ne prévoyant pas que le magistrat poursuivi doit être informé de son droit de se taire lors de son audition par le rapporteur ainsi que lors de sa comparution devant le conseil supérieur, les dispositions contestées méconnaissent les exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789.
Par conséquent, le Conseil constitutionnel juge, dans une décision n° 2024-1108 QPC du 18 octobre 2024, qu'elles doivent être déclarées contraires à la Constitution.
L’abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles aurait pour effet de priver le rapporteur de la possibilité d’entendre le magistrat poursuivi et ce dernier de la possibilité de présenter devant le conseil supérieur ses explications et moyens de défense sur les faits qui lui sont reprochés. Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 1er octobre 2025 la date de l’abrogation de ces dispositions.
En revanche, afin de faire cesser l’inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger que, jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation de ces dispositions, le rapporteur doit informer le magistrat de son droit de se taire lorsqu’il l’entend au cours de l’enquête, et le conseil supérieur doit l’informer de ce droit lorsqu’il comparaît devant lui.
Par ailleurs, la déclaration d’inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances introduites à la date de publication de la présente décision et non jugées définitivement.