Le « legal privilege » des juristes d’entreprise à nouveau devant la CJUE

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La Cour constitutionnelle de Belgique a saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour trancher des questions préjudicielles liées à la confidentialité des juristes d’entreprise. Cette initiative fait suite à plusieurs recours en annulation des lois belges de 2022 sur la protection des lanceurs d’alerte, qui transposent la directive (UE) 2019/1937. Ces lois prévoient une exception pour le secret professionnel des avocats, mais pas pour d’autres professions juridiques, comme celle des juristes d’entreprise.

L’Ordre des barreaux francophones et germanophone, l’« Orde van Vlaamse balies », l’Institut des juristes d'entreprise (IJE), l’Institut des Conseillers fiscaux et des Experts-comptables, ainsi que plusieurs particuliers ont introduit des recours en annulation des lois du 28 novembre 2022 et du 8 décembre 2022 qui instaurent un régime de protection des lanceurs d’alerte dans les secteurs privé et public respectivement. Ces lois visent à transposer la directive (UE) 2019/1937. L'Association européenne des juristes d'entreprise (AEJE) est intervenue en tant que tierce partie en soutien à l'Institut des juristes d’entreprise (IJE).

L’Institut des juristes d’entreprise et l’Institut des Conseillers fiscaux et des Experts-comptables et l’AEJE critiquent le fait que les deux lois attaquées prévoient une exception pour les avocats mais pas pour d’autres groupes professionnels également soumis au secret professionnel, alors qu’il ressort à tout le moins du texte anglais de la directive (UE) 2019/1937 qu’elle autorise pareille exception.

L’ECLA et l’IJE ont estimé que la confidentialité des avis des juristes d’entreprise, en vigueur depuis 25 ans en Belgique, devait être reconnue par le législateur belge lors de la transposition de la directive sur les lanceurs d’alerte. À cet égard, l’ECLA est satisfaite de la protection offerte par la directive européenne via l’exonération de responsabilité, y compris pénale, pour les lanceurs d’alerte. Cependant, l’ECLA considère que la Belgique a, à tort, écarté la confidentialité des avis des juristes d’entreprise dans le cadre de cette transposition, alors que cette directive exige le maintien de cette obligation professionnelle.

Avant de se prononcer sur le bien-fondé de ces critiques, la Cour a décidé de poser trois questions préjudicielles à la CJUE. La Cour demande à la CJUE si la directive (UE) 2019/1937 doit être interprétée en ce sens qu’elle impose (première question), ou à tout le moins qu’elle permet (deuxième question), aux États membres d’exclure du champ d’application du régime protecteur des lanceurs d’alerte, non seulement les informations couvertes par le secret professionnel des avocats, mais également les informations couvertes par une obligation légale de secret professionnel imposée aux personnes exerçant une autre profession juridique. En cas de réponse négative à ces deux questions, la Cour souhaite savoir si la directive (UE) 2019/1937 viole le droit au respect de la vie privée, la liberté d’entreprise, le droit au respect des biens et le principe d’égalité et de non-discrimination (troisième question).

La CJUE devra donc examiner si la directive sur les lanceurs d’alerte, transposée par la loi belge, impose ou permet l’exclusion de la protection d’autres formes de confidentialité, comme celle des juristes d’entreprise, en plus du secret professionnel des avocats.

Si la CJUE conclut que la directive sur les lanceurs d’alerte n’autorise pas une exception pour préserver cette confidentialité et protège uniquement le secret professionnel des avocats, la Cour constitutionnelle demandera à la CJUE si cette situation est compatible, notamment avec le principe de non-discrimination.


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