Le parquet national financier (PNF) célèbre en octobre 2024 une décennie d'engagement dans la lutte contre la délinquance économique et financière en France. Créé en réponse à des scandales de corruption et à la nécessité d'une transparence accrue, le PNF s'est imposé comme un acteur clé du paysage judiciaire français.
Une création née d'un besoin de transparence
Le PNF a vu le jour le 6 décembre 2013, dans un contexte de crises politiques et économiques marquées par des scandales de corruption d’une ampleur sans précédent. L’affaire Cahuzac, qui avait révélé de graves carences dans la lutte contre la fraude fiscale, a été un catalyseur de cette initiative. Face à une opinion publique de plus en plus méfiante vis-à-vis de l’intégrité des élites politiques et économiques, le besoin d’une institution spécialisée pour traiter ces dossiers complexes s’imposait. Comme l’a rappelé le ministre de la Justice Didier Migaud lors de son discours à l'occasion du séminaire pour le 10ᵉ anniversaire de la création du parquet national financier (PNF) : « La corruption et les atteintes à la probité fragilisent les fondements de notre pacte démocratique. Elles alimentent la suspicion, la défiance des citoyens vis-à-vis des institutions et de leur capacité à garantir une contribution équitable aux finances publiques. »
Le PNF a ainsi été pensé comme un outil puissant pour renforcer la confiance dans les institutions publiques en assurant que les infractions financières soient traitées avec la rigueur et l’indépendance nécessaires.
Des chiffres marquants
Depuis son lancement effectif le 1ᵉʳ février 2014, le PNF a eu un impact notable sur la lutte contre la délinquance économique. En une décennie, l'institution a engagé des poursuites contre de nombreuses personnalités influentes issues des secteurs politiques, financiers et des affaires. Didier Migaud a souligné dans son discours les chiffres évocateurs de cette décennie : « En dix ans, plus de 500 personnes ont été condamnées, et un montant cumulé de plus de 12 milliards d'euros a été récupéré au profit du Trésor public. Ce résultat démontre que, au-delà de son rôle de garant de la justice, le PNF joue également un rôle économique majeur, en contribuant concrètement aux finances publiques. »
Le PNF s'est aussi illustré dans des affaires emblématiques, comme les poursuites contre des grandes multinationales pour des faits de corruption internationale ou d'évasion fiscale. L'affaire Airbus de 2020, par exemple, a abouti à une amende record de 3,6 milliards d’euros pour faits de corruption.
Un rôle élargi et des missions spécifiques
Le PNF ne se limite pas à la seule lutte contre la fraude fiscale. Il a progressivement élargi son champ d’action pour inclure la corruption, le blanchiment d’argent, les délits boursiers et d’autres formes de délinquance financière. Cette spécialisation lui permet de s’attaquer à des mécanismes complexes, souvent transnationaux, en étroite collaboration avec des autorités judiciaires et financières internationales.
L’institution s’est également adaptée à l’évolution des formes de criminalité. Les montages financiers de plus en plus sophistiqués, l’utilisation des paradis fiscaux et les défis posés par les technologies numériques et la crypto-monnaie constituent des obstacles supplémentaires que le PNF s’efforce de surmonter. À ce titre, la collaboration avec d’autres autorités de contrôle, telles que l’Autorité des marchés financiers (AMF), ou encore avec des institutions européennes et internationales, a été cruciale pour mener à bien ses enquêtes.
Les défis à venir
Malgré ses succès, le PNF fait face à de nouveaux défis pour les années à venir. Didier Migaud a souligné l'importance de continuer à renforcer la lutte contre la corruption : « Je souhaite que la France se dote d'un nouveau plan national pluriannuel de lutte contre la corruption – avec deux ans de retard, je le sais attendu par beaucoup d'entre vous, compte tenu de l'engagement que vous avez mis à le bâtir »
Il a évoqué aussi la nécessité d'une réflexion sur le régime de responsabilité des décideurs publics et les contours de l'infraction de prise illégale d'intérêts, ainsi que l'adaptation des outils à disposition des enquêteurs et des magistrats face à l'évolution des méthodes utilisées par les délinquants économiques et financiers.
À cela s'ajoutent des attentes croissantes de la part du grand public, qui exige une justice rapide et efficace, ainsi que des moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux. Didier Migaud l’a rappelé avec force : « L’autorité judiciaire doit être dotée de ressources suffisantes pour maintenir son efficacité. C’est le seul moyen de garantir aux citoyens que la lutte contre la délinquance financière ne fléchira pas face à l’ampleur des tâches. » Le PNF, malgré ses succès, doit donc sans cesse s’adapter pour conserver son efficacité face à des adversaires toujours plus innovants.
Arnaud Dumourier