A l’occasion du Grand Atelier des Avocats organisé par le Conseil national des barreaux (CNB), Christiane Féral-Schuhl a alerté le garde des Sceaux Eric-Dupond-Moretti sur la nécessité pour les avocats de poursuivre leur activité ainsi que les juridictions dans le contexte du reconfinement.
La séquence des discours officiels du Grand Ateliers des Avocats du jeudi 29 octobre 2020 ne s’est pas déroulée comme prévu. En effet, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, qui devait s’exprimer pour la première fois devant les avocats, a dû se rendre à Nice où un attentat venait d’avoir lieu dans et aux alentours de la basilique Notre-Dame de l’Assomption faisant trois victimes.
Christiane Féral-Schuhl a débuté son intervention en exprimant « au nom de tous les avocats de France » sa solidarité et son soutien pour les victimes et leurs familles. « Les avocats seront toujours présents pour défendre la République, la démocratie et les libertés contre toutes les formes d’obscurantisme et de barbarie » a-t-elle souligné. Elle a ensuite fait observer à l’assistance une minute de silence en mémoire des victimes. « Les avocats, comme tous les français, sont dévastés par cet attentat odieux et décidés à porter plus que jamais les valeurs de notre République ».
Pandémie
La présidente du CNB est revenue sur la gestion des juridictions pendant le confinement au printemps dernier. Elle a fustigé « une gestion désordonnée du confinement des juridictions, les mettant quasiment à l’arrêt, sans moyens, sans boussole, sans stratégie nationale » et a indiqué qu’elle ne voulait pas revivre cette situation : « Nous ne voulons pas vivre de nouveau le pire, alors que le reconfinement est, de nouveau, notre quotidien. Voilà ce que je voulais dire au garde des Sceaux ».
Elle a conclu à l’échec du confinement et a prévenu : « le ministère de la justice a échoué dans sa gestion du confinement. Les avocats ne survivront pas à un deuxième échec ». « Les magistrats, les avocats, les greffiers, ne veulent pas revivre les mois de mars et d’avril ».
« Nous sommes des métiers essentiels à la continuité de la Nation et à la vie démocratique. Il appartient au garde des Sceaux de le faire reconnaître » a-t-elle ajouté.
Aussi, elle demande que les avocats et les juridictions puissent poursuivre leur activité : « Demain, les avocats doivent pouvoir circuler pour assurer leurs missions. Et demain, c’est aujourd’hui ! ; Demain, les cabinets d’avocats doivent pouvoir continuer à travailler, et à recevoir leurs clients. Je le demande aujourd’hui solennellement : demain, les juridictions doivent poursuivre leurs activités. »
Afin d’éviter un « deuxième échec », Christiane Féral-Schuhl propose l’aide des avocats à la Chancellerie : « Nous sommes disponibles, au CNB, pour venir à la Chancellerie, en urgence, échanger avec vos services et les magistrats sur ce que nous pourrions mettre en œuvre pour empêcher une telle paralysie de l’institution judiciaire ».
Libertés publiques
En ce qui concerne les libertés publiques, la Présidente du CNB a rappelé les propos d’Eric Dupond-Moretti lors de la passation de pouvoirs avec Nicole Belloubet qui avait déclaré qu’il voulait être le ministre des libertés publiques. Or, « l’état d’urgence qui devient un état du quotidien. Sur les cinq dernières années, les français auront vécu sous le coup de l’état d’urgence de novembre 2015 à novembre 2017, puis quasiment toute l’année 2020. »
Secret professionnel
S’agissant du secret professionnel, Christiane Féral-Schuhl s’est prononcée en faveur d’une réforme législative d’ampleur du secret professionnel : « Non, il n’est pas admissible que des dizaines d’avocats aient vu leurs fadettes épluchées, leurs contacts surveillés, leurs clients épiés. Oui, il faut une réforme législative d’ampleur pour enfin, définitivement, protéger durablement, pleinement, dans tout son périmètre, le secret professionnel. »
Budget de la justice
Le compte n’y est pas au niveau du budget selon la Présidente de l’institution représentative des avocats : « le ministre de la Justice a présenté un budget historique en hausse de 8% pour un montant de 8,2 milliards d’euros. Le budget présenté est en réalité en hausse de 2,5% par rapport aux engagements pris par le gouvernement devant le Parlement dans la loi de programmation pour la justice. Il faut le regarder dans la dynamique de dépression qui guette notre pays. Nous sommes en pleine tempête. Et le ministre présente un budget pour temps calme ». En ce qui concerne l’aide juridictionnelle, « pour en finir avec le travail à perte des avocats, il faudrait doubler la valeur de l’UV. Cela donne 500 millions d’euros de plus ».
Renouer le fil d’Ariane
« Le rôle de l’Etat, et c’est celui du Garde des Sceaux aujourd’hui, c’est de renouer un fil, un fil d’Ariane. Ce fil qui relie nos citoyens, perdus dans le labyrinthe de leurs peurs, avec la raison républicaine. », a conclu Christiane Féral-Schuhl.
Arnaud Dumourier (@adumourier)
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